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1944
PAPE — PAPIAS D’HIÉRAPOLIS


l’Église latine n’affecte les Orientaux que s’ils sont spécialement visés ou que « la nature des choses » le comporte. Cette exception se vérifie surtout à propos des relations d’un rit à un autre. Quant au droit oriental lui-même, le Saint-Siège a pris récemment l’initiative d’en promouvoir la codification : tâche particulièrement ardue si l’on songe à la variété des disciplines. Le numéro du 2 décembre 1929 des Acta aposlolicse Sedis a publié une nolificatio faisant connaître la création, dans ce but, d’une commission cardinalice « d’études préparatoires », t. xxi, p. 669. Pour le moment, nous sommes donc réduit à glaner quelques renseignements dans des textes épars, concernant telle ou telle Église. A cette différence près qu’elles se conforment aux dispositions spéciales de leurs propres statuts conciliaires, on peut dire que les Églises orientales qui n’ont point de patriarche entretiennent avec le pape les mêmes relations de dépendance que l’Église latine elle-même : aussi bien, tous les conciles ou synodes orientaux, patriarcaux et autres, doivent être, pour obtenir force de loi, approuvés par le Saint-Siège. Les évêques recourent à Rome pour toutes les dispenses, conseils et directions dont ils ont besoin, et la Congrégation de l’Église orientale exerce sur eux le même contrôle que la Consistoriale sur l’épiscopat latin. Vraisemblablement, ils sont tous tenus, comme les Latins, aux rapports réguliers sur l’état de leurs diocèses respectifs : au moins voyons-nous cette obligation figurer dans plusieurs textes ; la bulle Ea semper, par exemple, du 14 juin 1907, exige ce rapport tous les trois ans de l’évêque ruthène des États-Unis, Acta sanctse Sedis, t. xli, p. 5 ; le synode de Blaj de 1872 fixe, pour les Roumains, les intervalles à cinq ans, I. c, p. 37.

Naturellement, les Églises dotées d’un patriarche entretiennent avec Rome des relations moins étroites ; c’est au patriarche que les évêques recourent dans les affaires qui dépassent leur compétence ou exigent des lumières spéciales ; pour la plupart des dispenses, notamment de mariage, quand le patriarche ne tient pas de sa charge le pouvoir de les accorder, il jouit d’une délégation permanente du souverain pontife, qui permet aux évêques de ne pas recourir, pratiquement, à d’autres qu’à lui. Cf. concile du Mont-Liban de 1736, IIe partie, c. xi, n° 15, dans Collectio Lacensis, t. ii, col. 171 ; synode de Charfë, pour les Syriens, loc. cit., p. 183 ; synode arménien de 1911, loc. c ; ï., p.288 ; synode du Caire, pour les Coptes, loc. cit., p. 171. C’est le patriarche qui exerce sur les évêques la surveillance nécessaire.

Mais, de son côté, il doit des comptes au pape et subit son contrôle. Chaque patriarche présente au Saint-Père, à époques déterminées, un rapport détaillé sur l’état de son Église. Les intervalles peuvent varier, suivant les législations respectives, approuvées par le Saint-Siège. Pour les Maronites, ce rapport n’est obligatoire que tous les dix ans, et le patriarche n’est pas tenu de l’apporter lui-même ; il peut le faire parvenir par procureur ou même par la poste. Conc. du Mont-Liban, I II partie, c. vi, art. 9, loc. cit., col. 344. Les patriarches arménien et chaldéen présentent le leur tous les cinq ans, en même temps qu’ils font personnellement la visite ad limina, bulles Reversurus, § 19 et Cum ecclesiastica, § 5, dans Jus poniificium de prop. fide, t. vi a, p. 457, et t. vi 6, p. 34. De même le patriarche copte, lorsqu’il y en a un ; mais en outre chaque évêque, dans cette Église, est tenu de fournir, également tous les cinq ans, un rapport individuel sur sa propre éparchie : synode du Caire, loc. cit., -p. 180. Ces documents ne constituent pas de simples-comptes rendus académiques, mais un moyen, pour le pape, de connaître et d’intervenir : les deux bulles citées plus haut ne manquent point de préciser, parlant du patriarche : man data et monita humiliter excipiat et diligenlissime exequatur.

Quand le pape croit devoir intervenir de façon particulièrement intense dans la vie d’un patriarcat, il lui arrive de nommer un visiteur apostolique muni d’une juridiction déléguée plus ou moins étendue qui se substitue, dans les domaines où elle s’applique, à celle du patriarche lui-même. Pendant tout le temps de la visite, les pouvoirs du patriarche, sur tel ou tel point, se trouvent ainsi suspendus. Voir, par exemple, le décret de la Congrégation de l’Église orientale du 16 avril 1929, supprimant la visite pour les Arméniens et réintégrant le patriarche dans sa juridiction normale. Acta ap. Sed., t. xx, p. 141.

Enfin, l’autorité du patriarche ne s’exerce pleinement, en fait, que sur le territoire où l’Église a officiellement son siège. A l’égard des colonies établies autre part, et où n’est pas encore organisée la hiérarchie, la Congrégation de l’Église orientale ne lui laisse guère qu’un droit de sollicitude dont elle se réserve de réglementer l’activité. C’est elle-même, en effet, qui accorde aux prêtres orientaux voyageurs ou émigrants les pouvoirs opportuns, moyennant les garanties qu’elle estime nécessaires. Cf. les deux décrets des 23 décem bre 1929 et 7 janvier 1930, dans Acta ap. Sed., t.xxii, p. 99 et 106.

On le voit, les Églises orientales pourvues d’un patriarche échappent sans doute, beaucoup plus que l’Église latine, à la centralisation moderne. Elles sont loin, cependant, de vivre, à l’égard de Rome, dans une indépendance administrative absolue. Du reste, si larges que puissent être leurs prérogatives, les patriarches orientaux catholiques font partie d’une communauté qui ne possède qu’un chef suprême, le pape. Au jour de leur consécration, ils jurent au pape obéissance et fidélité, lui reconnaissent la pleine autorité législative, judiciaire, coercitive, sur la catholicité tout entière. Implicitement, ils s’engagent à ne pas lui résister, le cas échéant, s’il croit nécessaire de les juger et de les punir, et leurs fidèles ne les tiennent pour légitimes, eux, qu’à la condition et dans la mesure où ils restent en communion avec « le père des pères et l’évêque des évêques ».

Il serait facile de dresser ici une impressionnante bibliographie : rien qu’à propos de la centralisation pontificale, ce sont tous les ouvrages publiés sur la constitution de l’Église, à une période quelconque de son histoire, que l’on pourrnit énumérer. Nous n’en ferons rien. Les travailleurs désireux de contrôler nos assertions ou d’entreprendre une étude plus complète auront le moyen d’y procéder aisément, en se reportant aux sources et aux ouvrages que nous avons cités en abondance, avec renvois aussi exacts que possible, dans le corps de cet article.

V. Martin.

    1. PAPIAS D’HIÉRAPOLÏS##


PAPIAS D’HIÉRAPOLÏS, (ire siècle). — Papias est un des personnages les plus mystérieux de l’antiquité chrétienne. Nous ne savons presque rien à son sujet, et les quelques renseignements que nous avons sur lui sont, de la part des historiens, l’objet d’interminables discussions.

Saint Irénée, qui est le premier à parler de lui, le représente comme un audileur de Jean, un compagnon de Polyearpe, un homme ancien. Coni livres., V, xxxiii, 4. A nous en tenir à la donnée qui fait de lui un compagnon de Polyearpe, nous sommes en droit de penser qu’il a dû naître dans le dernier tiers du premier siècle, entre 70 et 80 et que son activité littéraire a trouvé son akmè vers 120-130. Polyearpe en effet a subi le martyre en 155 à un âge très avancé : Papias devait avoir sensiblement le même âge que lui et disparut sans doute de ce monde vers la même époque.

Nous pourrions avoir des données plus précises peut-être, si nous savions avec certitude quel Jean Pa-