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ORDINATIONS ANGLICANES. DÉFAUT D’INTENTION


a pour but d’ordonner des diacres, des prêtres et des évêques, membres de cette hiérarchie d’ordre que reconnaît l'Église anglicane, tout comme l'Église catholique. Tout ministre qui emploie l’Ordinal a cette intention, comme l'évêque catholique qui utilise le Pontifical. Et cette intention est suffisante puisque, d’après les théologiens les plus autorisés, le ministre du sacrement doit seulement vouloir d’une volonté générale, virtuelle, faire ce que fait l'Église de Jésus-Christ, volonté que peuvent avoir les hérétiques et les schismatiques. Denny et Lacey, op. cit., c. iv, De intenlione ministri. Pour résoudre cette question de la suffisance de l’intention chez les ministres anglicans, il est nécessaire de considérer l’intention : 1. en elle-même, abstraction faite des rites employés, 2. telle qu’elle est déterminée par ces rites.

1° L’intention considérée en elle-même, abstraction faite des rites employés. — On concède volontiers que beaucoup de ministres anglicans actuels ont cette volonté intérieure de consacrer de véritables prêtres et de conférer le caractèie épiscopal. Encore n’est-ce pas le cas de tous. Le cardinal Vaughan, dans une lettre du 2 octobre 1894, citée dans le Canoniste contemporain de décembre 1894, p. 712-714, rapporte qu' « un ami lui a assuré que, lorsqu’il fut ordonné comme anglican, l'évêque préluda par cet avertissement : « maintenant faites attention à ceci, Monsieur, que je ne vais pas vous ordonner pour être un prêtre sacrifiant. » L’avertissement pouvait être inusité ; mais l’intention et la doctrine qui y étaient contenues n'étaient-elles pas communes ? Et n’y a-t-il pas aujourd’hui des prélats anglicans qui déclarent solennellement qu’en ordonnant ils n’ont pas l’intention de faire des prêtres sacrifiants ? » Mais on peut restreindre la question au cas de Barlow ou à celui de Parker : le défaut d’intention chez l’un ou chez l’autre a suffi pour interrompre la transmission du pouvoir d’ordre et rendre, par la suite, invalides toutes les ordinations. Leur hérésie a-t-elle vicié leur intention ?

C’est la doctrine de l'Église que l’hérésie, même contraire à l’essence du sacrement, n’exclut pas nécessairement Yintenlio jaciendi quod facit Ècclesia. Lehmkuhl expose très nettement cet enseignement : Alque adeo ne illa quidem intentio omnino requiritur, qua velit minister exercere ritum quem ipse pro sacro et gratiee efjicaci habet, modo velit eum ritum quem scit ab aliis haberi pro sacro ila peragere, uti ab aliis pro sacro habeatur… Hac de re optime Suarez, De sacr., disp. XIII, sect. n : « Dicendum est requiri intentionem faciendi sacramentum vel sub hoc conceptu, vel sub aliqua ratione confusa et communi seu wquivalenli, scil. intendendo facere quod Christus instiiuil, vel quod christiani faciunt, vel aliquid simile : quilibet enim ex his modis intenlionis absque controversia sufficit, et requiri potest in hecrelicis vel alio infideli. » Quare sola hæresis vel infidelitas per se nunquam est sufficiens ratio de intenlione requisila dubitandi. Theol. mor., t. ii, n. 26.

La raison en est très simple. L’intention est un acte de la volonté. Cet acte de la volonté faciendi quod facit Ecclesiapeut exister seul dans l'âme, au moment de l’administration du sacrement. Il en est ainsi lorsque, à ce moment, le ministre agit en faisant abstraction de ses idées personnelles, opposées à la doctrine de l'Église. On ne voit pas comment ici les opinions hérétiques pourraient vicier l’acte de la volonté, n’ayant aucun rapport avec elles. Il en est de même de l’hérésie concomitante : Sacramenti enim validilati non officit privatus ministri error, cui prœvalet (jeneralis ejusdem ministri intentio faciendi quod Christus instiluit, seu quod fit in vera Christi Ecclesia. Benoît XIV, De syn. diœc, t. VII, c. vi,

n. 9. Le baptême est valide, même si le ministre croit que ce rite ne produit que des effets extérieurs : l’intention générale de faire ce que fait l'Église prévaut sur l’erreur privée du ministre. Une erreur sur l’indissolubilité du mariage ne l’empêche pas d'être réellement contracté, toujours pour la même raison : Ex lus plane consequitur matrimonium inter virum et feminam contractum, quo tempore ambo calvinianæ sectse adhserebant, validum firmumque censendum esse, tametsi cum céleris ejusdem hæresis sectatoribus falso opinali fuerint, matrimonium etium quoad vinculum, adullerio interveniente, dissolvi : siquidem credendum est cos generali voluntate contrahere voluisse matrimonium validum, juxta Christi legem, ideoque etiam adulterii causa non dissolvendum. Privatus enim error nec anteponi débet, nec prsejudicium afferre potest generali quam diximus voluntati, ex qua contracti matrimonii validitas et perpetuitas pendet… Benoît XIV, De syn., t. XIII, c. xxii, n. 3.

Ce qui est exact du baptême et du mariage, l’est également du sacrement de l’ordre : l’erreur simplement concomitante du ministre n’affecte pas la volonté générale de faire ce que fait l'Église. Cela est si vrai que, si Barlow, Parker et les autres évêques anglicans avaient administré ce sacrement sans rien changer à la matière et à la forme usitées dans l'Église romaine, ils l’auraient conféré validement, malgré leur conception erronée du sacerdoce et de l'épiscopat, et il ne serait venu à l’esprit de personne de considérer les ordinations ainsi faites comme invalides par défaut d’intention. La volonté du ministre ne serait cause de nullité pour le sacrement que dans le cas où il dirait en lui-même : je veux faire ce que fait l'Église, mais je ne veux ni conférer la grâce, ni imprimer le caractère. Il y aurait ici deux actes de volonté : je veux, je ne veux pas…, actes de volonté qui sont contraires et qui s’excluent. Ate contrario ordinatio foret nulla prorsus, si minister intendit quidem facere quod facit Ecclesia Christi, sed simul aclu posilivo et explicito voluntatis, non vult confteere sacramentum aut ritum sacrum, aut facere quod facit Ecclesia romana, aut conferre potestatem ordinis, aut imprimere caracterem, etc. Nam in casu forent duo voluntatis actus positivi et contrarii, quorum posterior priorcm destruit, vel qui mutuo eliduntur, et ideo minister rêvera non vult facere quod facit Ecclesia Christi. Gasparri, Tract, can. de sacr. ord., t. ii, n. 969 ; De la validité des ordinations gallicanes, dans la Revue angloromaine, t. i, p. 531-536. Le cas peut se produire, mais il ne peut être prouvé directement ; l'Église elle-même ne peut en juger. Celui qui applique sérieusement la matière et la forme usitées par l'Église sera toujours considéré, quels que puissent être ses sentiments intimes, comme ayant voulu faire ce que fait l'Église, comme ayant validement conféré le sacrement.

C’est pourquoi, si on considère l’intention seule, abstraction faite des rites employés, on ne peut la déclarer insuffisante chez les anglicans, cause de nullité de leurs ordinations. Cf. Boudinhon, Étude théologique sur les ord. angl., dans le Canoniste contemp., 1894, p. 390 sq. Mais cette mauvaise intention pourra être manifestée et servir de base au jugement porté sur la validité de ces ordres, d’après les circonstances extérieures, et parmi ces circonstances nulle n’est plus apte que le rite employé pour déterminer quelle a été la véritable intention.

L’intention déterminée par le rite anglican.


C’est donc d’après les circonstances extérieures que l’on peut juger de la véritable intention, ainsi que l’a justement remarqué Léon XIII : « L'Église ne juge pas de la pensée ou de l’intention, en tant qu’elle est quelque chose d’intérieur ; mais elle doit en juger en tant qu’elle se manifeste extérieurement. Lorsque