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OR OSE


avoir franchi le Rhin en 406, s'étaient répandues en Gaule et avaient passé les Pyrénées, il s'était dirigé vers Hippone, attiré par la grande réputation d’Augustin. Les belles qualités du jeune homme avaient séduit le saint évêque. Voir saint Augustin, Epist., clxvi, 2, ad Hieronymum, P. L., t. xxxiii, col. 720 ; clxix, 13, ad Evodium, col. 757. Curieux de questions théologiques — en particulier le problème de l’origine de l'âme humaine le préoccupait beaucoup — désireux d'étudier à fond l'Écriture, il semblait devoir être un excellent disciple. Augustin pourtant lui conseilla de se rendre de préférence à Bethléem, où Jérôme saurait mieux répondre à ses désirs. Sur l’origine de l'âme, l'évêque d’Hippone n’arrivait pas encore à se faire une doctrine et, quant à l'étude scientifique de l'Écriture, n'était-ce pas le domaine réservé de Jérôme ? D’ailleurs, il y avait quelque intérêt à mettre au courant ce dernier, par un messager intelligent, des controverses qui venaient d'éclater en Afrique autour de la question du péché originel, de la grâce, du libre arbitre. Ainsi, au printemps de 415, Orose partait-il pour la Terre sainte. Outre deux lettres d’Augustin, n. clxvi et clxvii, adressées à Jérôme, lettres de recommandation et qui posaient aussi des questions théologiques, le prêtre espagnol emportait une longue épître écrite peu auparavant par l'évêque d’Hippone à un collègue de Sicile, premier crayon du traité De natura et gratin alors sur le chantier.

En arrivant en Palestine, Orose tombe en pleine agitation théologique. Le solitaire de Bethléem y menait la vie dure à Pelage, réfugié, depuis peu, auprès de l'évêque Jean de Jérusalem ; il yenait de donner la plus grande publicité à une lettre adressée par luimême à un Occidental nommé Ctésiphon, où étaient vivement prises à partie les erreurs pélagiennes. Saint Jérôme, Epist., cxxxiii, P. L., t. xxii, col. 1148 sq. Il commençait la rédaction de ses Dialogues contre les pélagiens. Orose, qui avait reçu, en Afrique, sur la doctrine qu’il convenait d’opposer aux novateurs, d’utiles précisions, ne pouvait manquer de prendre part à la bataille. Il le fit avec une fougue qui attira l’attention de l'évêque de Jérusalem. Désireux de tirer au clair une question sur laquelle tous les esprits s'échaulïaient, Jean convoqua Pelage, d’une part, Orose, de l’autre, avec quelques-uns de ses amis, à un colloque qui eut lieu dans la Ville sainte, le 30 juillet 415. Ce n'était pas un concile au sens propre du mot ; et il n’y avait pas d’acte régulier d’accusation déposé par Orose contre Pelage. Le prêtre espagnol était plutôt convoqué pour tenir les Orientaux au courant de ce qui s'était déjà passé en Afrique. Estimant, à tort ou à raison, que Pelage était soutenu par Jean, Orose semble bien avoir pris à l’endroit de celui-ci une allure tant soit peu impertinente. Il s’embrouilla du reste dans ses explications théologiques et, dans le feu de la discussion, finit par lâcher des propos que, six semaines plus tard, l'évêque lui reprocha comme une hérésie flagrante. Jean avait cru comprendre (ou feint de comprendre) qu’au dire d’Orose l’homme, même avec le secours de Dieu, n'était pas capable d'éviter le péché. Bref, cette réunion de Jérusalem, dont Pelage se tira sans trop d’inconvénients, mit Orose en fâcheuse posture. Sur toute cette affaire, voir son Liber apologeticus analysé plus loin. On ne voit pas qu’il ait figuré au concile de Diospolis, réuni dans les derniers jours de décembre, où une accusation en règle contre Pelage fut déposée au nom des deux évêques gaulois, Héros et Lazare. Pourtant il était encore en Palestine, puisqu’il eut connaissance de l’invention du corps de saint Etienne qui eut lieu au moment même du concile. Voir Epistola Luciani de revelatione corporis Stephani, P. L., t. xli, col. 807 sq., et surtout col. 815. Dès que la navigation fut

possible, au printemps de 416, Orose quitta la Terre sainte, emportant des reliques de saint Etienne (cf. Gennade, De viris ill., n. 39), une lettre de Jérôme à Augustin (S. Jérôme, Epist., cxxxiv), simple accusé de réception des deux lettres de l'évêque d’Hippone, mais surtout la lettre des évêques Héros et Lazare sur le concile de Diospolis (pas conservée, mais signalée dans la lettre du concile de Carthage de 416, S. Augustin, Epist., clxxv, P. L., t. xxxiii, col.^59). Rentré à Hippone, il voulut immédiatement se rendre dans sa patrie, pour y porter les précieuses reliques amenées de Palestine. Mais, pour des raisons qui nous échappent, il ne put dépasser les Baléares. Voir ce renseignement dans VEpistola de Judœis de l'évêque Sévère de Majorque, P. L., t. xx, col. 733 B C. Les reliques restèrent à Magona (Mahon dans l'île de Minorque) et Orose retourna à Hippone. Sur les encouragements d’Augustin, qui, entre les passes d’armes avec les pélagiens, travaillait pour lors à la Cité de Dieu, Orose se mit à la rédaction de son grand ouvrage d’apologétique historique, Historiarum adversus paganos libri VII, qu’il dut terminer en 417. Après quoi, l’on perd les traces du jeune prêtre espagnol.

II. L'œuvre littéraire. — Un peu ébloui par l’ampleur de ce gros ouvrage d’histoire, Gennade a oublié de mentionner deux opuscules d’Orose qui se sont conservés. Voir De vir. ill., n. 39, P. L., t. lviii, col. 1080.

1° Commonitorium de errore priscillianistarum et origenislarum (P. L., t. xxxi, col. 1211-1216 ; édit. G. Schepss avec les œuvres de Priscillien dans le Corpus de Vienne, t. xviii, p. 151-157). — C’est le mémoire adressé par Orose à saint Augustin lors de sa première arrivée à Hippone. Les priscillianistes, entre autres questions délicates, avaient soulevé celle de l’origine de l'âme humaine et ils lui donnaient une solution en rapport avec leurs idées générales, pénétrées de manichéisme. Loc. cit., n. 2. Pour combattre ces idées, deux Espagnols, nommés tous deux Avitus, entreprirent de s'éclairer, car la question semblait de celles que le magistère ecclésiastique n’avait pas encore tranchées. Ils partirent donc, l’un pour Jérusalem, l’autre pour Rome, et de leur voyage rapportèrent, le premier les œuvres d’Origène, le second celles de Marius Victorinus. Finalement ce fut l’influence du savant alexandrin qui l’emporta dans la péninsule. Pourtant, s’il y avait beaucoup de bon en ces doctrines d’Origène, divers points ne laissaient pas d’elïaroucher l’orthodoxie espagnole. Certains prenaient ombrage de cette expression d’Origène que l'âme était créée ex nihilo : non tamen persuaderi poterat factam esse de nihilo, argumentantes quia volunlas Dei nihil esse non possit. D’autres incriminaient la doctrine d’Origène et de saint Basile, suivant laquelle le monde, avant de venir à l’existence, avait toujours subsisté dans la sagesse divine : omnia antequam fada upparerent semper in Dei sapientia facta mansisse. Surtout on s’alarmait, avec plus de raison, semble-t-il, des théories développées par l’auteur du Péri Archôn sur l’origine commune de tous, les esprits, anges, âmes humaines, démons, sur le monde considéré comme un lieu d’expiation, sur la nature et la durée du feu de l’enfer, sur l’apocatastase (omnes peccatorum animas post purgationem conscientise in unitatem corporis Clirisli esse redifuras) étendue même au diable : cum substantia in eo (se. diabolo) bona facta perire non possit, exusta in totum malitia diaboli aliquando salvandam esse substantiam. Enfin on était inquiet de certaines idées sur la nature du corps de Jésus d’une part, sur la composition des astres d’autre part. Sur tous ces points, où la discussion s’animait Orose sollicitait l’avis de celui qui était déjà regardé comme l’oracle de la chrétienté.