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ORDINATIONS ANGLICANES. BULLE APOSTOLIC/E Cl RM


Les conclusions et mémorandums de chacun des membres de la commission furent transmis, le 8 juin, à une commission de cardinaux. Ces derniers eurent un mois pour examiner la question. Le 6 juillet, ils furent convoqués à une séance solennelle ; ils furent unanimes à reconnaître que la question avait déjà été résolue par le Saint-Siège, et que les résultats de l’enquête montraient clairement avec quelle justice et quelle sagesse elle avait été réglée. Léon XIII avait longtemps espéré pouvoir donner à la question une réponse favorable, en considérant les ordres comme douteux, ce qui n’obligerait les convertis qu'à une ordination ad cautelam, ou pouvoir s’abstenir de prendre une décision nouvelle, laissant l’affaire dans le stalu quo. Mais elle avait trop agité les esprits ; il eût été dangereux de garder le silence. Léon XIII se réserva cependant encore trois mois de réflexion, après quoi il publia le 13 septembre 1896, la bulle Aposlolicæ curæ.

La bulle Aposlolicæ curæ.

Dans le préambule,

Léon XIII rappelle l’attention pleine de sympathie qu’il a accordée aux récents mouvements en faveur de l’union des Églises, ses efforts personnels pour réaliser cette unité, efforts qui ont trouvé leur expression dans la lettre qu’il a adressée « aux Anglais cherchant le royaume de Dieu dans l’unité de la foi », et dans la lettre destinée à tout l’univers sur les conditions de l’unité de l'Église. Touché du bon accueil que les anglicans ont fait à ses instances et à son indépendance de langage, il a apporté les mêmes dispositions bienveillantes à l'étude de la question présente. Malgré la pratique de l'Église, confirmant l’opinion commune que le sacerdoce avait cessé d’exister et que la succession apostolique avait disparu dans l'Église d’Angleterre, il lui a plu, en raison des controverses récentes, de prêter l’oreille à la voix de la charité apostolique et de remettre la cause en jugement, afin que « tout prétexte au moindre doute fut éloigné pour l’avenir ». Études, t. lxix, p. 290. (Les citations françaises de la bulle sont faites d’après la traduction donnée dans les Études reliyieuses, t. lxix, p. 289-302.)

C’est dans ce but qu’il a fait nommer une commission et qu’il a mis à la disposition des consulteurs les archives du Vatican et toutes les pièces se rapportant à la question.

Léon XIII expose ensuite les trois arguments qui l’ont amené à conclure à la non validité des ordinations anglicanes : la pratique de l'Église, l’insuffisance du rite et le défaut d’intention.

1. La pratique de l'Église. — Il examine en premier lieu les instructions données par Jules III et confirmées par Paul IV au cardinal Pôle, et l’usage que le légat a fait des pouvoirs qui lui avaient été concédés. C’est là l’origine de la discipline qui a été fidèlement observée pendant trois siècles, et que l’on peut regarder comme faisant loi : consuetudo oplima legum interpres.

Les décisions du Saint-Office de 1684 et de 1704 sont largement examinées. De cette étude il résulte que, dans l’affaire de 1704, l’ordination de Parker fut laissée de côté, que, après l’examen de l’Ordinal d’Edouard VI, on ne retint que le défaut de forme et d’intention, qu’on ne s’est pas appuyé sur l’absence de tradition des instruments ; dans ce cas, on aurait imposé la réordination sub conditione. Léon XIII fait remarquer que la sentence rendue s’appliaue à tous les cas, car elle avait pour fondement un vice de forme, vice de forme qui se retrouve dans toutes les ordinations anglicanes. La controverse avait donc déjà été l’objet d’une définition du Siège apostolique. Malgré cela, par indulgence et charité, on reprit l’examen de l’Ordinal.

2. L’insuffisance du rite — Dans les sacrements,

l'élément essentiel est constitué par ce qu’on a coutume d’appeler la matière et la forme. « Les sacrements de la nouvelle Loi étant les signes sensibles et efficaces d’une grâce invisible doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. » Dans l’ordre, l'élément matériel est l’imposition des mains ; mais, trop vague par elle-même, elle doit être précisée par la forme. Or, chez les anglicans, la forme : Reçois le Saint-Esprit, ne désigne nullement, « de façon définie, le sacerdoce et ses grâces ou son pouvoir, pouvoir qui est surtout le pouvoir de consacrer et d’offrir le vrai corps et le vrai sang du Seigneur. Conc. Trid., sess. xxiii, de sacr. ord., can. 1, dans le sacrifice qui n’est pas une simple commémoration du sacrifice accompli sur la croix, Conc. Trid., sess. xxii, de sacr. miss., can. 3. » L’addition postérieure : Ad ofpcium et opus presbyteri, ne change rien ; elle montre l’insuffisance, reconnue par les anglicans eux-mêmes, de la première forme, et elle fut ajoutée un siècle trop tard. Les autres prières de l’Ordinal ne peuvent pas suppléer à cette insuffisance ; on y a retranché à dessein tout ce qui, dans le rite catholique, indique clairement la dignité et les fonctions du sacerdoce.

Le même raisonnement vaut pour la consécration épiscopale : les mots, Ad officium et opus episcopi. furent ajoutés trop tard à la formule Accipe Spirilum Sanctum. Ils n’ont d’ailleurs pas le même sens que dans la formule catholique, puisque, dans la prière du préambule, on a retranché les mots qui désignaient le sacerdoce suprême. Il est donc, inutile de rechercher si, en l’absence d’un véritable sacerdoce, l'épiscopat aurait pu être conféré validement, per saltum ; car, là où il n’y a pas de sacerdoce, il ne saurait être question de sacerdoce suprême, de plénitude du ministère sacré ; le rite de la consécration épiscopale n’est pas capable de conférer le sacerdoce.

Les circonstances dans lesquelles l’Ordinal a été établi et déclaré loi font encore mieux apprécier sa déficience. La liturgie a été défigurée par l’introduction des erreurs des novateurs ; il n’y est fait aucune mention du sacrifice, de la consécration, du sacerdoce, du pouvoir de consacrer et d’offrir le sacrifice ; on a supprimé dans les prières qui ont été conservées du rite romain tout ce qui y faisait allusion. C’est donc en vain qu’on s’efforce de donner à l’Ordinal un sens acceptable ; si quelques mots paraissent ambigus, ils ne peuvent recevoir la signification qu’ils ont dans le rite catholique. Si un rite nouveau dénature le sacrement de l’ordre, s’il répudie toute notion de consécration et de sacrifice, il n’y a plus de vérité dans la formule Accipe Spirilum Sanclum, et les mots ad officium et opus presbyteri ou episcopi perdent leur valeur. La plupart des anglicans rejettent d’ailleurs l’interprétation que certains leur donnent pour les mettre d’accord avec le rite catholique.

3. Le défaut d’intention.

« L'Église ne juge pas de la pensée ou de l’intention, en tant qu’elle est quelque chose d’intérieur ; mais elle doit en juger en tant qu’elle se manifeste extérieurement. Lorsque quelqu’un a employé sérieusement et comme il faut la matière et la forme nécessaires pour faire et conférer un sacrement, il est par là même censé avoir eu l’intention de faire ce que fait l'Église… Si le rite est modifié dans le dessein manifeste d’en introduire un autre, non admis par l'Église, et de rejeter ce que fait l'Église et ce qui par l’institution du Christ appartient à la nature du sacrement, il est alors évident que, non seulement l’intention nécessaire fait défaut, mais encore qu’il existe une intention contraire et opposée au sacrement. »

La sentence. — Toutes ces choses, Léon XIII les a examinées ; il les a étudiées avec les cardinaux de la Congrégation Suprema, réunis le 16 juillet. Tous ont