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1449 MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : JÉRÉMIE 1450

moins longues tells que i, 18 b ; ii, 10-11 ; iii, 8 a p, 8 b 3, 10, 16-20. Si cette conception de l’origine secondaire de plusieurs phrases saillantes était juste, la valeur messianique du livre de Sophonie se réduirait beaucoup. Mais elle nous semble aussi peu justifiée que le procédé de ceux qui enlèvent à Sophonie la moitié de l’écrit qui porte son nom. Aussi Sellin est-il beaucoup plus réservé que ses prédécesseurs et revendiquet-il pour le prophète plusieurs phrases que d’autres lui ont contestées. Mais précisément parce qu’il est moins radical il se montre d’autant plus inconséquent. En vertu des principes mêmes qui l’amènent à maintenir des textes universalistes et eschatologiques, la plupart de ceux qu’il traite comme des gloses sont également authentiques. En effet, d’après les études minutieuses de M. van Hoonacker, p. 502 sq., les additions postérieures sont insignifiantes.

Les commentaires des douze petits prophètes, voir col. 1429. Les commentaires de Sophonie’de Reinke, 1868 ; Kleinert, 1893 ; Beck, 1899 ; Davidson, 1899 ; LippI, 1910 ; J. M. P. Smith, 1912 ; Rothstein, dans Kaulzsch, 1923.

Schwally, Das Buch Zephania, dans Zeitschrift/ùr die A. T. Wissenschaft, 1890 ; Bachmann, Zur Texlkrilik des Propheten Zephania, dans Theologische Sludien und Kritiken, 1894 ; Besson, Introduction au prophète Sophonie, 1910 ; Cornill, Die Prophétie Zephanjas, dans Theologische Studien und Kritiken, 1916 ; J. Calés, L’authenticité de Sophonie, II, 11 et son texte primitif, dans Recherches de science religieuse, 1920.

vin. jérémie. — Non seulement, comme tous ses prédécesseurs, Jérémie a prévu et prédit le grand châtiment du peuple élu et de la ville sainte, mais il l’a vu de ses propres yeux. Il en a été le témoin ému et l’interprète le plus qualifié par suite des révélations qu’il reçut en ce moment. Cette coïncidence de ses prophéties avec la catastrophe, ainsi que le rôle si important qu’il a joué donnent à ses prédictions sur l’avenir d’Israël une portée unique.

Le livre qui les contient, bien que l’authenticité de ses différentes parties soit loin d’être aussi contestée que celle du livre d’Isaïe, pose cependant une foule de problèmes critiques, de la solution desquels dépend la conception exacte de son messianisme. Ces problèmes concernent surtout l’ordre chronologique des prophéties, ordre qui, comme pour Isaïe, doit former le cadre indispensable de notre exposé, et les remaniements des textes primitifs qui ont été ou auraient été entrepris justement au point de vue messianique, soit par Jérémie et Baruch eux-mêmes, soit par des prophètes postérieurs ou de simples collecteurs et lecteurs des oracles.

1° Discours antérieurs au premier siège de Jérusalem (597). — Comme pour Isaïe, la vision inaugurale de son ministère ouvre à Jérémie une sombre perspective sur l’avenir de son peuple. Elle l’est pourtant moins que chez le fils d’Amos. D’après les dernières paroles que Dieu lui adresse à cette occasion, le prophète d’Anathoth ne devait pas seulement « arracher et détruire, perdre et ruiner », c’est-à-dire prédire la ruine, mais aussi « bâtir et planter », i, 10, donc annoncer aussi le salut. Sa tâche principale était cependant de proclamer des accusations et des menaces. Dans ce sens, Jahvé lui montre une chaudière bouillante qui s’avance du Nord, en lui disant qu’elle signifie les royaumes septentrionaux qui viendront inonder la Terre sainte et en conquérir les villes, parce que les Israélites ont renié leur Dieu et adoré les idoles, i, 13-16.

Cette vision contient le thème qui revient le plus souvent dans les discours de Jérémie. Il se rencontre immédiatement dans un premier cycle, qui remonte au début de son activité, ii, 1-iv, 4. (Ce texte est doublement en désordre : les morceaux primitifs ne

se suivent plus dans leur ordre original, et des passages y ont été intercalés après coup par Jérémie. Nous plaçons avec Volz, Der Prophet Jeremia, 1922, p. 33, et L. Gautier, Introduction à l’Ancien Testament, 1914, 1. 1, p. 387, iii, 19-iv, 4, après iii, 5, et, avec la plupart des exégètes, nous regardons ii, 14-17, comme ajouté après la mort de Josias (608) et surtout, à l’exemple de Condamin, Le livre de Jérémie, 1920, p. 32 et 35, et Rothstein dans E. Kautzch, Das Alte Testament, 1922, p. 726, la prophétie messianique, iii, 14-18, comme ajoutée après 586. Condamin, p. 26, met ni, 19-21, entre ni, 13 et 14 ; Volz, p. 47, suppose seulement iii, 16, 17-18 a comme ajoutés après coup.)

Après avoir exposé l’ingratitude et l’apostasie sans exemple du peuple élu tout entier, ii, il annonce que le pardon est exclu, ni, 1-5. Jahvé sans doute serait prêt à pardonner même cette extrême infidélité à la condition d’un repentir sincère, iii, 14. Plein de miséricorde, il y invite son peuple, iii, 12 sq., 22 sq. Mais c’est en vain. Pour cette raison dans les discours, iv, 5-vi, 30, qui appartiennent sans doute à la même époque Jérémie décrit à plusieurs reprises l’ennemi que le Seigneur fera venir du Nord : c’est une grande nation qui se lève des extrémités de la terre, bien armée et impitoyable ; le bruit qu’elle fait est semblable au mugissement de la mer, vi, 22-23 ; elle se compose uniquement de héros et dévorera la maison, le bétail, les fils et les filles d’Israël, v, 15-17. (Les deux f. suivants, 18-19, ne semblent pas être primitifs, et pas davantage quelques mots de iv, 27 et de v, 10 qui restreignent la destruction ; voir pour v, 19, Condamin, p. 48, pour v, 18 ; iv, 27 ; v, 10, Volz, p. 51, 59, 64, et Rothstein, p. 735, 737.) Dans ces descriptions Jérémie ne pense pas nécessairement, comme le relèvent Condamin, p. 61 sq., et Volz, p. 57 sq., justement contre la plupart des exégètes modernes, à un peuple déterminé, savoir les Scythes. « Jérémie avait appris de Jahvé qu’une puissance guerrière fera son irruption du Nord. Il ne savait rien de plus », Volz, p. 58. Le prophète entend déjà en esprit le son des trompettes et les cris de guerre, et il voit les étendards des conquérants, iv, 19-20. Le châtiment de son peuple prend même à ses yeux la forme d’une catastrophe mondiale : la terre devient vide et le ciel sans lumière ; les montagnes tremblent, les hommes disparaissent du sol et les oiseaux des airs, iv, 23-26.

La réforme religieuse du roi Josias en 621 n’a eu qu’un effet transitoire, surtout parce qu’après la mort de ce prince, 608, Joïakim a de nouveau introduit le culte idolâtrique. Jérémie s’opposa formellement à cette abolition des lois de Josias, xi. (Nous regardons avec Rothstein, p. 755, et surtout avec Volz, p. 129 sq., ce chapitre comme composé au commencement du règne de Joïakim ; Condamin, p. 103 sq., le suppose écrit en 621.) Dans une série d’oracles, vii, 1-ix, 22 ; x, 17-22, le prophète répète ses menaces et ajoute des détails saisissants. Jahvé rejettera les habitants de Juda loin de sa face, comme il a rejeté toute la race d’Éphraïm, vii, 15 ; il va déverser sa fureur sur les hommes, les bêtes et les arbres ; elle brûlera sans s’éteindre, vii, 20. Les cadavres seront la pâture des oiseaux et des bêtes, vii, 33, et couvriront les champs comme du fumier, ix, 21. La mort sera préférable à la vie pour les survivants dans tous les lieux où Jahvé les aura dispersés, viii, 3. Dieu enverra derrière eux le glaive jusqu’à ce qu’il les ait exterminés, ix, 15 ; il enverra même contre son peuple des serpents et des basilics, viii, 17, et l’abreuvera d’eau empoisonnée, ix, 14. Le prophète proclame surtout que, si le peuple ne se convertit pas, non seulement la ville, mais aussi le temple sera détruit. Cette menace, d’après le récit du chapitre xxvi, aurait failli lui coûter la vie. Des prédictions analogues remplissent les discours des cha-