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1443 MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : MICHÉE 1444

les plus redoutables, l’Assyrie et l’Egypte, xi, 10-16. Ces paroles sont très dures, surtout après la description de la paix qui doit régner parmi les animaux. Isaïe aurait-il pu dire immédiatement après que les hommes ne parviendront pas à cette paix ? Les doutes émis au sujet de l’authenticité de ce passage sont donc bien compréhensibles.

8. La prophétie, xi, 1-9, faite au moment du plus grand danger que Jérusalem ait couru depuis que David en avait fait la capitale du royaume israélite, représente le sommet du messianisme d’Isaïe. Elle complète ce qu’il avait déjà énoncé sur la personne et le règne du Messie. D’autre part, elle est elle-même admirablement complétée par deux autres prédictions qui annoncent la participation de tous les peuples au royaume messianique.

L’une est la célèbre vision, ii, 2-4, sur la montagne de Sion vers laquelle tous les peuples afflueront dans les derniers temps pour recevoir de Jahvé l’enseignement de la vérité. Ils se laisseront tous sans exception guider par Jahvé ; par suite toute guerre cessera et les armes seront transformées en outils de travail.

Duhm remarque avec raison qu’on n’a encore produit aucun argument sérieux contre l’authenticité de ce texte, et qu’à cause de la parenté avec xi, 1 sq. et xxxii, 1 sq., le mieux est de le placer à la fin de l’activité d’Isaïe.

L’autre prédiction, xix, 16-25, se rapporte à la conversion de l’Egypte et de l’Assyrie. La crainte de Jahvé qui punit l’Egypte amènera d’abord quelques villes à le reconnaître comme maître suprême, et à apprendre la langue sainte de son culte. Finalement tout le pays adorera Jahvé, on érigera au milieu de l’Egypte un autel en l’honneur du vrai Dieu et toutes sortes de sacrifices y seront offerts. Dans ce même dessein de servir Jahvé, l’Egypte s’associera à l’Assyrie. La rivalité entre ces deux puissances cessera. Le trait d’union entre les deux sera Israël qui leur communiquera la connaissance de Jahvé et deviendra ainsi, conformément à l’antique promesse faite à Abraham, Gen., xii, 1-3, une bénédiction au milieu de la terre. Quand on pense aux traitements cruels qu’Israël a subis si souvent de la part de ces deux peuples, on voit que cette prédiction respire l’universalisme le plus large et le plus sublime.

Nous plaçons cette prophétie, avec Condamin et Feldmann, à la fin de l’activité d’Isaïe. Parmi les protestants, il n’y a que Driver, Kuenen, Dillmann, Baudissin qui la reconnaissent comme authentique. Tous les autres rejettent de plus en plus, non seulement les promesses faites à l’adresse de l’Egypte, mais aussi les menaces, xix, 1-15, qu’Isaîe avait proférées contre elle antérieurement.

Voir la bibliographie indiquée à la fin de l’article Isaïe, t. viii, col. 77-7’J.

Y ajouter : Guthe-Budde, Pas Buch Jesaia dans Kaulzsch, 1922 ; Duhm, Pas Buch Jesaia iibcrselzl und erklàrt, 4e éd., 1922 ; Knabenbauer, Cornmentarius in Isaiam prophetam, 2 vol., 2e éd., 1923 ; Fr. Feldmann, Pas Buch Isaias iihersetzl und erklàrt, 2 vol., 1925-1926 ; A. Kônig, Das Buch Jesaia eingeleilet, ùbersetzt und erklàrt, 1926 ; II. Guthe, Pas Zukun/tsbild des Jesaja, 1885 ; II. I lackmann, Pie Zukun/tserwartung des Jesaja, 1893 ; J. llermann, Per Messias ans Paoids Geschlecht, dans Zeitschri/t fur wissenscha/tliche Théologie, t. li, p. 260-268 ; II. Guthe, Zeichen und Weissagung in les. 7, 14-17, dans Wellluuisen/estschri/t, 1914 ; Béer, Z.ur Zukunftserwartung Jcsajas, ibid. ; K. Marti, Dcr fesatantsche Kern in Jes. G, 1-9, G, dans Budde/estschrifl, 1920 ; G. Harford, The prince oj peace (Is., ix 6), dans The Expositor, 1919 ; A. li. Gordon, The failli oflsaiah, statesman and euangelisl, 1920 ;.1. Rldderboos, ’De messiaskoning in Jcsujus pro/ete, 1920 ; H. C. Faithfull, Immanuel, dans The Exposttor, 1920-21 —, I). il. Corley, Messianic l’ro~ phecg in flrsl Isaiah, dans American Journal of sem. Long, , 1922-23.

V. MICHÉE.

Loin d’être éclipsé par son grand contemporain Isaïe, Michée mérite précisément au point de vue messianique une attention toute particulière. Si ses discours ne reflètent guère les graves événements politiques qui remuèrent à son époque le peuple juif jusqu’au fond, ils en représentent d’autant mieux la situation religieuse et sociale.

A son arrivée à Jérusalem, le campagnard de Moreschet est au plus haut point scandalisé par la dépravation profonde et universelle des mœurs, vu, 1-6, spécialement par l’exploitation brutale des petites gens dont les grands et les riches, ii, 1-11, les juges même se rendent coupables, iii, 1-12, tout autant par l’extrême perversité religieuse qu’il y constate. Cette dernière consiste dans un culte purement extérieur et dans l’illusion présomptueuse qu’aucun malheur ne peut arriver à Israël, parce qu’il est le peuple de Dieu et qu’il possède le temple, iii, 11. Avec une indignation et une sévérité qui le font dépasser non seulement Isaïe mais aussi Amos, Michée annonce le jugement à la nation coupable. Il en donne surtout deux descriptions.

D’abord, i, 1-u, 11, il dépeint une théophanie grandiose : Jahvé, en faisant trembler la terre et les montagnes se fondre, descend du ciel pour punir Israël (ou^bien la phrase i, 2 a : « écoutez, vous tous peuples ; prête ton attention, terre » est une glose ; ou bien peuples = tribus, et terre = pays, ères, doivent se restreindre à la Palestine et à ses habitants). Il ruinera en premier lieu Samarie, avec toutes ses idoles, i, 6 sq., mais le coup qu’il portera contre le royaume du Nord atteindra aussi Jérusalem, i, 9 sq.

Dans un second tableau, vi, 1 sq., le prophète présente Dieu plaidant contre son peuple. Le Très-Haut lui rappelle ses bienfaits et lui répète qu’il est honoré non par les sacrifices, mais par la droiture, la charité, l’humilité. Il s’adresse en particulier à Jérusalem, dont les habitants imitent les pratiques idolâtriques de Samarie. Pour cette raison, Jahvé va commencer à les punir : les ennemis leur enlèveront le produit de leur travail et les extermineront par le glaive, vi, 9 sq. (La ressemblance entre les formules introductoires des deux morceaux, vi, 1-8 et vi, 9-16, l’analogie entre l’apostrophe au peuple, suivie de celle qui est adressée à Jérusalem et le contenu de i, 5c ; « Quel est le péché de la maison de Juda (LXX) ? N’est-ce pas Jérusalem », témoignent en faveur de l’unité des deux morceaux, et excluent pour le second l’origine postexilienne que Guthe et d’autres supposent. )

Pour Michée, pas plus que pour ses prédécesseurs, le jugement ne constitue la fin de l’histoire du peuple de Dieu. Bien que le sort lamentable d’Israël le fasse hurler comme les chacals et gémir comme les autruches, i, 8, il déclare, à une autre occasion, vii, 7, et cela après avoir décrit, comme peut-être aucun autre prophète avant lui, la corruption morale de ses coreligionnaires, qu’il met son espérance dans le Dieu de son salut qui l’exaucera (le f. vii, 7, doit être rattaché au morceau qui précède et non à celui qui suit).

Le prophète ne désespère donc pas, et, conformément à cette confiance, il n’est pas étonnant que dans son livre les menaces s’accompagnent aussi de promesses : ii, 12-13 ; iv-v ; vii, 8-20. Malheureusement, au point de vue critique et exégétique, ces dernières soulèvent des questions compliquées. Déjà les prédictions du châtiment révèlent le caractère complexe du livre de Michée ; mais celles de la restauration rendent la situation vraiment embarrassante : la transition d’un oracle à l’autre est tantôt très abrupte, tantôt à peine sensible, les perspectives de salut sont divergentes ; quelques versets suggèrent des remaniements et des élargissements exiliens et poslexiliens ;