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MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : ISAIE


Celui-ci les acquerra pour toujours, ii, 21-22, conformément à la belle parole : « C’est la piété que je désire et non le sacrifice, la connaissance de Dieu et non les holocaustes », vi, 6, il y aura une union intime entre lui et son peuple, consistant dans l’amour et dans la parfaite connaissance du Très-Haut, ii, 18 sq., 21 sq. Il les ramènera des lieux où ils avaient été dispersés, xi, 11. Les douze tribus se réuniront de nouveau, sous un seul et même roi de. la dynastie davidique, I, 11 ; ni, 5. Osée, comme plus tard Jérémie et Ézéchiel, nomme ce roi idéal de l’avenir, David tout court. (C’est bien à tort que Harper, Nowack, Duhm, Sellin regardent cette mention du roi messianique comme ajoutée après coup). Les Israélites deviendront aussi nombreux que le sable de la mer et vivront dans une paix éternelle, sans être tourmentés ni par les animaux sauvages ni par les ennemis, n, 18. Ciel et terre s’entendront pour fournir aux Israélites du froment, du vin et de l’huile en abondance, ii, 22-23. Pour dépeindre le bonheur et la prospérité d’Israël, Osée dit que le peuple fleurira comme le lys et la vigne, xiv, 6.

Les idées messianiques d’Osée sont à peu près les mêmes que celles d’Amos. Pour lui aussi, la catastrophe est imminente, i, 4 ; d’autre part il relève que l'époque de la tribulation et de la pénitence durera longtemps.

Les commentaires des douze petits prophètes, voir col. 1429. — Les commentaires d’Osée seul de Nowack, 1880 ; Scholz, 1882 ; Cheyne, 1899 ; Œttli, 1901 ; Harper, 1905 ; Guthe, 1923. — Condamin, Interpolations et transpositions accidentelles, dans Revue biblique, 1902, p. 379-397, sur Osée, i, 1-3, 8-9, p. 386 sq. ; Bôhmer, Die Grundgedanken der Predigt Hoseas, dans Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1902, p. 1 sq. ; E. Peiser, Hosea, dans Philologische Studien zum Allen Testament, 1914 ; F. Prætorius, Bemerkungen zum Bûche Hosea, 1918 ; A. Alt, Hosea, 5, 8-6, 6, dans Neue kirchliche Zeitschrift, 1919, p. 537 sq.

iv. isaiE. — Isaïe qui est à tout point de vue le plus grand des prophètes, l’est surtout par ses oracles messianiques ; il a été nommé l'évangéliste de l’Ancien Testament. Bien qu’il jouisse encore aujourd’hui d’un prestige unique, la critique moderne conçoit son œuvre en général, particulièrement son messianisme, tout autrement que l’exégèse ancienne. Non seulement les savants non catholiques lui contestent unanimement la seconde partie du livre qui porte son nom, xl-lxvi, ainsi que les chapitres xm-xiv, 23 ; xxi ; xxivxxvii ; xxxiv-xxxv, et les attribuent à des auteurs exiliens et post-exiliens, mais bon nombre d’entre eux lui enlèvent encore d’autres textes, parmi lesquels se trouvent justement quelques-unes de ses plus célèbres prédictions.

L'étude des idées messianiques d' Isaïe se meut donc sur un terrain fort discuté. La situation est d’autant plus embarrassante que, même pour les prophéties qu’ils reconnaissent comme authentiques, les auteurs sont loin d'être d’accord sur leur date d’origine. (La position prise par nous dans ces questions de critique littéraire se dégagera de la manière dont nous nous servirons des passages. Elle ne sera exposée et défendue qu’en tant que la négation de l’authenticité d’un texte résulte principalement de son contenu messianique.)

Comme les discours d’Isaïe appartiennent à des époques très différentes de sa longue carrière, la meilleure manière d’en saisir les idées messianiques est de les étudier dans leur suite chronologique. De cette façon on évite le schéma trop artificiel dans lequel on les place d’ordinaire, et il sera en même temps possible de suivre ces idées dans leur développement en tenant compte de la situation historique dans laquelle elles ont vu le jour.

1° Prophéties du commencement du ministère (vers 740). — - 1. La première prédiction sur l’avenir d’Israël se trouve dans la vision inaugurale, vi. Elle est excessivement pessimiste : le prophète est envoyé par le Seigneur uniquement pour aveugler et endurcir le peuple, ce qui veut dire qu’Israël, par l’opiniâtreté avec laquelle il persistera dans ses péchés malgré la prédication du prophète, deviendra mûr pour le jugement. A la question de savoir jusques à quand doit durer cet aveuglement, Isaïe reçoit cette réponse : « Jusqu'à ce que les villes soient dévastées et sans habitants et les maisons sans hommes, et que le pays soit ravagé et désert », vi, 11.

Le récit primitif du c. vi semble se terminer sur cette phrase (Marti, Duhm, Guthe) ; car d’abord le t. 12 n’est qu’une faible répétition, une glose du verset précédent : Jahvé n’y parle plus comme auparavant à la première personne, mais à la troisième. Ensuite le ꝟ. 13 : « Et si une dixième partie en reste, elle sera également détruite, comme chez un chêne ou un térébinthe dont il reste un tronc quand on les coupe » introduirait l’idée que même le moindre reste qui survivrait au premier châtiment serait détruit à son tour. En effet, la comparaison veut dire que, de même qu’on enlève encore après coup le tronc d’un chêne abattu, ainsi on fera disparaître les survivants des Israélites, et elle ne signifie pas, comme Feldmann le prétendait encore dans son commentaire récent, Das Buch Isaias, i, 1925, que du dixième sauvé survivra un reste comme un tronc du chêne abattu. Or une telle idée n’est guère concevable. Elle est, d’une part, contredite par bien des oracles d’Isaïe. Pour cette raison sans doute on a jugé nécessaire de gloser cette glose du ꝟ. 13 par la phrase : « Leur tronc sera une semence sainte », phrase qui ne se trouve pas en grec et qui est rejetée commî inauthentique même par les exégètes qui maintiennent 12 et 13 : Houbigant, Condamin, Hackmann, Meinhold, Cheyne. D’autre part, l’appel de Dieu aurait condamné Isaïe à une œuvre tout à fait inefficace. Si, par contre, le t. Il contient la dernière parole de Dieu, celle-ci par son sens général serait encore compatible avec l’idée d’un petit reste qui serait sauvé, ou du moins elle ne l’exclurait pas formellement comme le fait le ꝟ. 13 a. Marti et Duhm exagèrent beaucoup, quand ils trouvent sublime le contenu du c. vi, précisément à cause de l’idée que Jahvé veut se passer d’Israël pour la réalisation du vrai culte dans le monde entier. Aucun prophète n’a eu et n’a pu avoir une conception aussi désintéressée de la manière dont la religion pure et absolue serait établie.

Le fait que, dans sa vision inaugurale, Isaïe n’entrevoit pas explicitement le salut, même pour un petit groupe, mais uniquement le châtiment, prouve que l’irréligion et le désordre moral et social régnaient aussi en Judée et à Jérusalem. Nous ne devons pas nous étonner de trouver chez Isaïe presque autant de reproches et de menaces que chez Amos et Osée. Les discours qu’il adresse aux habitants du royaume du Sud ont pour but principal de démontrer qu’ils sont devenus, à leur tour, indignes de Jahvé. On n’y trouve que quelques passages brefs et clairsemés où il promet un avenir glorieux à un petit reste. Ces promesses suivent parfois les menaces sans liaison étroite et forment avec elles un certain contraste. Pour cette raison quelques critiques veulent en retrancher le plus grand nombre et les séparer des discours primitifs du prophète. Mais, comme parmi ces passages quelquesuns du moins sont reconnus comme authentiques par tous, et que s’y exprime l’idée d’un reste sauvé et d’un bonheur magnifique dont ce reste jouira après le châtiment, on est en droit de revendiquer tous ces passages pour Isaïe. Comme dans le livre d’Osée, le