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MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : AMOS


plupart des oracles que nous venons d’étudier, mais aussi tout un ensemble d’idées qui se rapportent à la fin des temps. D’un côté, on en postule l’existence parce que, longtemps avant le messianisme israélite, il y aurait eu, dit-on, un messianisme oriental dont les espérances juives ne seraient qu’une transposition. D’autre part, on la déduit de certaines constatations que l’on croit faire chez les prophètes-écrivains. Ceuxci emploient, dit-on, une foule de termes techniques : jour de Jahvé, reste sauvé, rétablissement, refuge, etc. pour exprimer leurs idées eschatologiques sans jamais les expliquer ; et cela prouverait qu’ils supposent ces termes connus de leurs auditeurs.

Cette eschatologie populaire a été admise après Gunkel et Gressmann par Sellin, Der uitlestamentliche Prophetismus, 1912, p. 144 sq. ; H. Dittmann, Der Heilige Rest im Allen Testament, dans Theologische Studien und Kritiken, 1914, p. 602-618 ; N. Peters, Weltfriede und Propheten, 1917, p. 14 sq. ; Dùrr, Die Stellung des Propheten Ezechiel in der isrælitisch-jùdischen Apokalyptik, 1923, p. 67 sq. Ces deux derniers attribuent au courant populaire les oracles mêmes d’Isaïe, ii, 1-4, et de Michée, iv, 1-4, sur la gloire future de Si on.

Cependant cette prétendue eschatologie populaire est une pure chimère ; car, à l’exception d’Israël, aucun peuple de l’ancien Orient n’a connu d’eschatologie (voir col. 1552 sq.). Pour ce qui regarde les termes eschatologiques employés par les prophètes, sauf celui de « jour de Jahvé », tous les autres sont nouveaux. En particulier celui du « reste sauvé » a été introduit par les prophètes pourrectifier la fausse conception que les Israélites se faisaient du jour de Jahvé. C’est contre elle que se dressèrent les prophètes. Ils proclamaient hautement que, par suite de ses prévarications, Israël était devenu indigne des promesses reçues. Ils disaient à leurs compatriotes qu’en effet le jour de Jahvé viendrait. Seulement le but immédiat n’en serait pas de relever, mais de punir le peuple. Ils prenaient très souvent les invasions des ennemis, les grands fléaux de la nature pour les signes précurseurs du jour de Jahvé. Les Israélites auraient à passer par un jugement si dur que seul un petit reste survivrait. C’est uniquement ce reste qui verrait la réalisation des promesses.

Telle est la nouvelle conception de l’avenir d’Israël qui se rencontre à peu près chez tous les prophètes préexiliens. Tel est leur schéma du messianisme. Moïse avait proclamé que le bonheur dans la Terre promise dépendrait pour Israël de l’observation de la Loi : les prophètes, constatant que cette condition n’était pas réalisée, annoncent aux générations corrompues les pires malheurs. Tandis que les antiques voyants n’avaient prévu et prédit qu’une ère de salut, de prospérité et de gloire, les prophètes-écrivains présentent cette ère comme précédée d’un jugement sévère et purificateur.

D’ailleurs, tout en ayant beaucoup de traits communs, les formes sous lesquelles le messianisme apparaît chez les prophètes sont assez différentes et varient d’après la situation historique à l’époque de chacun. Pour les comprendre il faut donc replacer leurs idées messianiques non seulement dans le milieu historique, mais les faire ressortir sur le fond sombre des menaces ; elles se détachent alors d’autant plus lumineuses.

II. AMOS, — Déjà le premier des prophètes-écrivains, Amos, annonce à Israël que son avenir, au moins en tant qu’il s’agit des dix tribus, est très sombre. Son livre s’ouvre par l’annonce que Jahvé est tellement irrité contre le peuple élu qu’il rugi ! de Slon, i, 2 ; et tout le ministère du voyant n’est pour ainsi dire que l’écho de ce rugissement.

Au moment où sous Jéroboam II (783-743) le royaume du Nord était transitoirement dans un état florissant, Amos quitta sa patrie judéenne pour aller en Samarie et lui prédire une ruine imminente. Ce « royaume pécheur », ix, 8, est aussi mûr pour le jugement que les fruits d’automne le sont pour la cueillette, vin, 1-2. Il faut qu’il disparaisse de la surface de la terre, ix, 8. Jahvé ne veut plus pardonner à ses habitants, vii, 8 ; viii, 2. Au contraire, il jure par sa vie qu’ils seront ruinés, vi, 8-9 ; car bien qu’il les ait préférés à toutes les autres nations, ii, 9-11 ; iii, 1-2, et qu’il les ait avertis par des punitions successives, iv, 6-11, ils l’offensent à présent plus que jamais par l’idolâtrie, les vices et les crimes les plus affreux, ii, 6-8 ; iii, 8-10 ; v, 7-10 ; vi, 12. Le pis est qu’ils croient néanmoins plaire à Dieu à cause de l’alliance que celui-ci a conclue avec eux et à cause du culte extérieur qu’ils lui rendent. Us en sont tellement convaincus qu’ils désirent l’arrivée du jour de Jahvé, v, 18.

Amos leur fait savoir avec une impitoyable sévérité qu’ils ont perdu leur position privilégiée auprès de Dieu, ix, 7. Puisque tous les avertissements ont été vains, Israël doit se tenir prêt à paraître devant Jahvé pour recevoir son châtiment définitif, iv, 12. Le jour de Jahvé, après lequel ils aspirent tant — c’est chez Amos que nous constatons pour la première fois cette mentalité populaire — sera précisément lemoment où ils seront punis pour toujours : « ce jour ne sera point lumière mais ténèbres », v, 18-20. Certes Jahvé châtiera aussi les peuples des alentours, i, 3-n, 5, mais Samarie surtout sera punie. Les moyens employés pour cela seront la guerre, v, 3 ; vi, 15, l’exil, iv, 2-3 ; v, 27 ; vi, 7, la peste, v, 6 ; vi, 9 ; vii, 17, la faim et la soif, viii, 11-14 (ll b est une glose), les tremblements de terre, viii, 8. Le prophète voit surtout Jahvé renversant le sanctuaire de Béthel et exterminant tous les idolâtres, ix, 1-4. Cette ruine du peuple au jour de Jahvé sera accompagnée de phénomènes effrayants : la terre chancellera, viii, 8, (d’après Wellhausen, Marti, Nowack, Guthe, Sellin, ce verset aurait été ajouté après coup par un lecteur qui a cru qu’il s’agit du jugement du monde ; mais dans ce cas viii, 9, serait également une glose) et le soleil se couchera à midi de sorte qu’il fera nuit en plein jour, viii, 9.

D’après ces menaces qui forment presque l’unique contenu des neuf chapitres de son livre, on pourrait supposer qu’Amos a renoncé à tout espoir messianique. A en croire plusieurs exégètes, Smend, Volz, Duhm, Wellhausen, Marti, Cornill, Harper, Guthe dans E. Kautzsch, Die heilige Schrijt des Allen Testamentes, 4e édit., 1923, t. ii, p. 46, Nowack, Die kleinen Propheten, 3e édit., 1922, p. 170, tel serait en effet le cas ; car ils regardent comme incompatibles avec ce qui précède et donc ajouté pendant ou après l’exil les derniers versets du livre, ix, 11-15, où il est dit que la maison de Jacob ne sera pourtant pas entièrement exterminée et qu’elle connaîtra un relèvement brillant.

Avec raison d’autres, Kônig, Orelli, Stscrk, Gressmann, H. Schmitt, Kôhler, Sellin, Das Zwol/prophetenhueh, 1922, p. 223 sq., van Hoonacker, Les douze petits prophètes, 1908, p. 195, 282 sq., Tobac, £es prophètes, 1. 1, 1919, p. 185 sq., Touzard, Le livre d’Amos, 1909, p. li sq., maintiennent ce morceau ; car déjà dans quelques passages antérieurs Amos avait laissé entrevoir la possibilité du salut. Tel est le sens de son exhortation : « Cherchez Jahvé pour que vous viviez ». exhortation qu’il répète trois fois, v, 4, 6, 14, et à laquelle il ajoute la troisième fois : « Peut-être Jahvé aura pitié du reste de Joseph », v, 15. Il avait même prévu le salut effectif pour une partie du peuple : « Comme un berger sauve de la gueule du lion une