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MURNER — MUSEE


même siècle a aussi été une époque, dans laquelle ont fermenté les germes d’un ordre de choses nouveau. Dans les satires de Murner, c’est surtout le peuple qui parle, c’est lui qui expose, à sa manière, ses griefs contre les classes priviligiées, contre les seigneurs, les docteurs et surtout les prêtres, évêques et cardinaux. Toute la ressemblance que l’on peut trouver entre -Murner et Luther, c’est que Murner, comme Luther, n’a cessé de flageller dans ses écrits satiriques, les abus qui se commettaient, et principalement les vices auxquels s’adonnaient les prêtres séculiers et réguliers, les évêques et les cardinaux. Le résultat inévitable des satires de Murner a dû être le même que celui des écrits de Luther et d’autres contemporains, l’ébranlement du respect pour le clergé et les personnes consacrées à Dieu.

Si Murner a suivi Luther dans ses luttes contre les abus qui s’étaient introduits dans l’Église et contre les vices du clergé, il ne l’a pas suivi dans sa révolte contre l’Église, mais il est toujours resté soumis à l’autorité ecclésiastique. De plus, il n’a jamais voulu se poser en réformateur des mœurs, comme Luther, il a toujours reconnu que le droit d’abolir les abus et d’améliorer la situation morale du peuple et du clergé ne revenait qu’aux autorités ecclésiastiques. C’est là déjà une distinction fondamentale entre les attaques contre les mœurs dépravées telles qu’elles étaient dirigées, d’un côté par Luther, et, d’un autre côté, par Murner.

D’ailleurs, après avoir contribué à ébranler le respect des laïques pour les institutions religieuses, les coutumes sociales et les habitudes savantes du Moyen Age, Murner s’effraya de son audace et, pour conjurer les dangers qu’il avait contribué à faire naître, il devint le champion de son Église. Il s’éleva contre ceux qui méprisaient les prêtres et il fut impitoyable pour les laïques qui empiétaient sur les privilèges du clergé, qui s’emparaient de ses biens et qui ne réclamaient la réforme des couvents que pour s’en attribuer les revenus. Bien plus, après que Luther se fut révolté ouvertement contre l’Église, Murner se sépara définitivement et complètement de lui et devint son adversaire le plus acharné. Il peut, dès lors, être regardé de plein droit comme le champion le plus intrépide du catholicisme à Strasbourg contre les luthériens et à Lucerne contre les zwingliens. Luther lui-même, dans sa réponse à Jérôme Emser : Aufj das iibirchristlich, ubirgeystlich und ubirkunstlich buch Bocks Emssers zu Leijptzik anliuort D. M. Lulhers, darim auch Murners seines gesellen gedocht ivùrl, Strasbourg, J. Schott, 1521, déclare d’ailleurs qu’il considère Murner comme un ennemi et un adversaire, mais il concède que c’est un ennemi loyal, qui ne s’adonne pas au mensonge et à la fourberie comme Emser.

Que l’on ne dise pas qu’il ne se décida à combattre pour l’Église, que parce qu’il était jaloux de la réputation di’Luther. Que l’on ne dise pas qu’il a prouvé, en refusant de s’allier à Luther, qu’avant la Réforme il ne s’était plaint des abus que pour mieux vendre ses livres, et qu’après il ne prit la défense du catholicisme que dans l’espoir d’être payé de ses services (cf. Gervinus, Geschichte der deutschen Literatur, t. iii, p. ILS, et Hagen, Deusichlands literarische und religiôse Verhâltnisse, t. i, p. (il). Tous ces reproches sont dépourvus de fondement. Murner élail vain, niais il a toujours eu d’autre motifs pour attaquer la Réforme qu’une vanité blessée, et, de son temps, on ne faisait pas fortune comme écrivain. On n’a qu’à se rappeler Les quatre florins que l’imprimeur HupfulT lui paya pour sa Geuchmalt. Quelque léger « pie l’on suppose Murner, on n’a pa8 de raison de le considérer comme vénal ou malhonnête. Sa position vis-à-vis de la Réforme n’a d’ailleurs pas été plus Inconséquente que celle de

Wimpheling. Toujours et partout il a demandé dans et à l’Église une amélioration de la discipline et des mœurs, et a espéré que l’amélioration serait accomplie par les autorités ecclésiastiques. Il a protesté dès qu’on a touché aux doctrines et au culte de l’Église. Dans sa protestation du 18 mars 1521, il donne d’ailleurs lui-même les raisons qui l’ont décidé à prendre parti contre Luther. Il y déclare que, puisqu’on a publié à Strasbourg des traités de Luther, qui lui ont semblé contenir des attaques injustes contre le Saint-Siège, il s’est vu obligé par son vœu d’obéissance et par sa qualité de docteur en théologie de les réfuter et d’engager la lutte contre Luther.

Ainsi, Murner est loin d’être irréprochable, mais on ne peut méconnaître ni ses bonnes intentions, ni sa loyauté, ni son dévouement à la cause catholique, ni son importance historique. « Il est », comme l’écrit Ch. Schmidt, Histoire littéraire de l’Alsace, t. ii, Paris, 1879, p. 315, « un de ces esprits mobiles et complexes qu’il est difficile de saisir. A peine semble-t-il fixé quelque part, qu’il quitte sa résidence et souvent on ne sait pas où il va. Il en est de même de son caractère : on croit le tenir et aussitôt il vous échappe. Il réunit en lui tous les contrastes de son temps. Tour à tour moqueur et grave, le plus impatient des hommes et ayant pour devise patienlia, ardent à réformer des mœurs grossières et brutal dans son langage, passionné pour les nouveautés et se cramponnant aux traditions, il caractérise mieux qu’aucun autre cette époque inquiète et tourmentée qui clôt le Moyen Age et qui annonce les temps modernes. »

J. J. Hottinger, Historia der Reformation in der Eidgenossenschaft, Zurich, 1708, p. 297 sq. ; du même, Geschichte der Eidgenossen wàhrend der Zeilen der Kirchenspaltung, Zurich, 1725, t. ii, p. 80 sq. ; Ruchat, Histoire de la Réforme suisse, t. iii, Genève, 1727 ; L. Wadding, Scriptores ordinis Minorum, Rome, 1906 ; Sbaralea, Supplementum et castigatio ad scriptores ordinis Minorum, Rome, 1908-1921 ; Jôcher, Gelehrlen-Lexikon, Leipzig, 1751 ; Waldau, Nachrichten von Murners Leben und Schriflen, Nuremberg, 1775 ; A. Jung, Geschichte der Reformation in Strassburg, p. 238 sq. ; K. Hagen, Deulschlands liiterarische und religiôse Verhûltnisse im Reformalionszeilalier, t. ii, Erlangen, 1843, p. 61 et 183 sq ; Scheiblé, Das Klosler, 12 vol., Stuttgart, 18451849 ; B. Hidler, D* Thomas Murners Streithandel mit den Eidgenossen von Bern und Zurich, mit Urkunden, dans Archiv fur schweizerische Geschichte, t. x, 1855, p. 272-304 ; J.Gyss, Histoire de la ville d’Obernai, part. II, Strasbourg, 1866, p. 425-430 ; H. Kurz und Fr. Paldamus, Deutsche Dichter und Prosaisten nach ihrem Leben und Wirken, 1. 1, Leipzig, 1867, p. 78-108 ; Fr. J. Schiftmann, Ueber D. Thomas Murners Fluchi nach Lucern und speciell iiber eine bisher unbekemnle, von ihm daselbst herausg. Schrift, dans Geschichtsfreund, t. xxvii, 1872, p. 230-239 ; Th. von Liebenau, Th. Murner in Basel, dans Baster Jalu-buch, 1879, p. 70101 ; Ch. Schmidt, Histoire littéraire de l’Alsace à la fin du XV’et au commencement du XVI’siècle, t. ii, Paris, 1879, p. 209-315 et 419-431 ; K. Gocdcke, Grundriss zur Geschichte der deutschen Dichlung, t. ii, 2’édit., Dresden, 1886, p. 215-220 ; Ries, Quellenstud ien xii Murners satirisch-didaktischen Dichtungen, Berlin, 1890 ; VV. Kawerau, Thomas Murner und die Kirche des Mittelaltcrs, Halle, 1890 ; du même, Thomas Murner und die deulsche Re/ormation, Halle, 1891 ; (). Winkelmann, Neue Beilràge zur Le bens geschichte Thomas Murners, dans Zeitschrift fur die Geschichte des Oberrheins, 1891, p. 119-131 ; G. Balke, Thomas Murner. Die deutsclw Dichtungen des Ulrich non llulten, Stuttgart, s. d. ; F. H. von Funk, Thomas Murner, dans Kirchenlexikon, t. viii, 2e édit., Fribourg, 1893, col. 2024-2027 ; D f List, Thomas Murner, dans Protest. Reatencyklopàdie, t. xiii, 1903, p. 569-572 ; K. Ott, Ueber Murnerss Verhàltnis m Geiler, dans Alamannia, t. xxiii, p. 114-188, et 231-288 ; Th. von Liebenau, Documenta quædam Circa vitam h’r. Thomiv Murneri, O. M. Conv., dans Archiimm francise. Iiislori-CUflt, t. v, 1912, p. 727-736, et t. M, 1913, p. 118-128.

A. Tbetabrt.

MUSÉE, prêtre de Marseille, au v siècle, ne nous est connu que par la notice que lui consacre