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MOZARABE (MESSE :


col. 349. Les textes que nous avons cités prouvent qu’il était chanté en Espagne moitié en latin, moitié en grec. Même coutume en Gaule.

Sanctus et consécration. — Le titre Post sanctus désigne toujours, en Espagne comme en Gaule, une oraison qui est une paraphrase du Sanctus et qui commence d’ordinaire par les mots vere sanctus. Elle est une transition entre le Sanctus et la consécration ; on la trouve aussi dans les liturgies grecques et orientales, mais sans titre. En Espagne elle varie tous les jours. En voici un exemple :

Vere sanctus : vere benedictus Dominus noster Jésus Christus Filius tuus. Quem Jacobus relicto Zebedæo pâtre ita secutus est : ut eum obnixe diligendo fieret electus in vita : mundus in conscientia : probabilis in doctrina. Postremo ita scientiam commendans. ex opère (peut-être ita scientia commendatus et opère) : ut pro eo truncato interierit capite. Quem pro se vel pro omnibus noverat animam posuisse Christum Dominum. Cui est honor et gloria in secula seculorum. Amen. P. £.., col. 549 (c’est on le devine, pour la tête de saint Jacques, le grand patron).

Le Vere sanctus ne se terminait pas autrefois par une doxologie, mais il aboutissait directement au qui pridie, par une formule brève dans le genre de celle-ci : Vere sanctus, vere benedictus dominus Noster Jésus Christus qui pridie, avec les paroles de l’institution. Ce qui pridie était la formule romaine, c’était aussi celle des Églises gallicanes et de toutes les Églises latines. L’antique liturgie d’Espagne suivait la même tradition. Par un changement qui s’est opéré à une date qu’on ne saurait fixer dans la liturgie mozarabe et qui est l’un des plus audacieux dont la liturgie ait gardé la trace, on a bouleversé cette formule sacrée par l’introduction de la prière adesto Jesu bone et en remplaçant le qui pridie, qui est une des caractéristiques les plus frappantes de la liturgie romaine et des autres liturgies latines, par Vin qua nocte qui est la version suivie par toutes les liturgies grecques et orientales. Chose peut-être plus extraordinaire encore, les réformateurs ne cherchèrent même pas à effacer les traces de ce changemen, tet continuèrent à appeler l’oraison qui suit le récit de l’institution oratio post pridie II faut donner ici le texte de Vadeslo :

Adesto, adesto Jesu bone Pontifex in medio nostri : sicut fuisti in medio discipulorum tuortim : sancti + fica liane oblationem : + ut sanctificata 4- sumamus per manus sancti angeli tui sancte domine ac redemtor eterne(ici une lacune dans le Missale mixtion). Dominus noster.Jésus Christus in qua nocte tradebatur accepit panem : et gratias agens, bene-j-dixit ac frefdt : dédit que riiscipulissuis dicens : Accipite et manducate. Hoc : est : corpus : meum : quod : pro : vobis : tradetur. Hic elevatur corpus. Quotiescumquc manducaveritis : hoc fæite in meam (- commemorationem. Similiter et calicem postquam cenavit dicens. Hic + est : ealix : novi : testamenti : in : meo : sanguine : qui : pro : vobis : et : pro : multis : etTiindetur : in : remissionem : peccatorum. Hic elevatur cali.r coopertus eu ni filiola (--palla) Quotiescumque biberilis hoc tacite in meam 4- commemorationem. lit cum perventum fuerit ubi dicit : In meam commemorationem. Dicat presb. alta voce omnibus diebus prêter f< stivis : pari modo ubi dicit in claritatem de celis. Ut qualibet vice respondeat chorus : Amen. Quotiescumque manducaveritis panem hune et calicem istum biberitis : mortem Domini annunciabilisdonec veniet. In claritatem 4de celis. R. Chorus. Amen. P. L., toc. cil., col. 110-117 ; cf. aussi col. 550 un autre texte.

Dans les éditions postérieures du Missàle mixtum, on a ajouté en note que la forme de consécration ici donnée n’est qu’un souvenir du passé, mais qu’on doit aujourd’hui garder la forme romaine. Ibid., col. 116 et 550, 551, note a.

Dom Férotin donne, d’après le Liber mozarabicus et d’après le Liber ordinum, deux nouveaux textes des paroles de l’institution qui présentent, aussi bien l’un avec l’autre qu’avec le Missale m xlum, des variantes

DICT. DE THHOI.. CATHOL.

considérables. On comprend que Rome n’ait pas approuvé la version donnée par l’édition du Missale mixtum de 1500, et lui ait substitué la formule romaine. Cette édition rarissime de Tolède conservée au British Muséum, contient, colléesur levélin, cette note- : Forma isla consecrationis ponitur, ne antiquilas ignoretur ; sed hodie servetur Ecclesiæ trad.tio, et on donne la formule romaine. La note est reproduite dans P. L., col. ll(i et 550. Sur tout cela, cf. dom Férotin, Liber mozarabicus, p. xxv. Dans deux manuscrits cités par lui, les paroles de l’institution sont précédées du titre Missa sécréta : et il donne un autre exemple où le Post sanctus est appelé post missam secrelam, qui indiquent bien qu’à cette époque cette partie du canon est dite à voix basse. Ibid.

On voit par la teneur même de cette prière qu’elle interrompt la suite du vere sanctus, et répète, la formule Dominas noster Jésus Christus. Le caractère d’interpolation saute aux yeux ; elle a été soulignée par la plupart des liturgistes modernes, depuis Lebrun, Binius, Lcsley, dom Férotin, dom Cagin, etc. Au Moyen Age elle ne paraît pas avoir soulevé de protestations ; je ne crois pas du moins qu’on en ait trouvé trace jusqu’ici dans les auteurs. Sans chercher d’autre explication à ce fait, il faut simplement constater qu’à une certaine date, postérieure à saint Isidore certainement, et probablement antérieure au x° siècle, et probablement aussi à Tolède, un évêque a jugé à propos d’emprunter à la liturgie de Constantinople, à laquelle l’Espagne avait déjà fait tant d’emprunts, la forme même de la consécration, pour la substituer à la forme ancienne qui était celle de Rome et de toutes les églises latines. P. L., toc. cit., col. 549.

La formule même Hoc est corp usmeum est empruntée à I Cor., xi, 2 1 ; le quod pro vobis tradetur est la traduction de la Vulgate. La formule romaine Hoc est enim corpus meum est conforme à celle de la liturgie de saint Marc, et il semble aussi qu’elle ait été celle des Églises gallicanes, au moins d’après les lettres du Pseudo-Germain. La formule de consécration du vin est empruntée à I Cor., xi, 24, et à Luc, xxii, 20, et Malth., xxvi, 28. Les paroles Hic est calix novi Testamenti in meo sanguine sont celles d’une ancienne version latine différente de la Vulgate ; elles sont citées sous la même forme par Sedulius Scotus et par Grégoire IL Voir la citation, P. L., toc. cit., col. 551. La formule romaine Hic est enim calix sanguinis mei, etc., était aussi celle des Églises gallicanes. Les liturgistes espagnols de ce temps n’ont pas craint de paraphraser à leur façon les paroles de l’institution. Sur tout ceci, voir la note de Lesley, col. 551 sq.

Les rubriques du récit de l’institution constatent une double élévation. La coutume de l’élévation est universelle, mais elle ne se pratiquait pas partout de même façon. Celle qui est mentionnée ici est conforme à l’usage qui s’était établi en France au xie siècle, et s’est répandue de là avec certaines variantes à Rome et dans les autres Églises. La rubrique mozarabe indique que le calice reste couvert, à l’élévation, de la filiola, c’est-à-dire de la palle ou voile qu’on appelait quelquefois ofjerlorium, parce qu’on y avait reçu à l’oblation les offrandes des fidèles. C’était aussi autrefois la coutume romaine quand l’élévation avait lieu à la fin du canon après le Per ipsum (cf. le 1° Ordo romanus de Mabillon, n. 16, et VOrdo publié par Hittorp).

Une autre rubrique qui prescrit de dire à haute voix les mots in meam commemorationem et in claritatem de celis, laisserait croire que les paroles mêmes de l’institution étaient dites à voix basse. Mais Lesley pense avec raison, semble-t-il, que cette rubrique est récente et que les Espagnols comme les Francs auront dit à haute voix ces paroles. Quant à ces mots in claritatem

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