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MONOPHYSISME, LES ÉGLISES MONOPHYSITES


duos aicere naturas ? Magis timendum est, si recte unam quoque Christi naturam non dixeris. Sin vero aeque ac religiose utrumque audis, nihil obstat quominus, quum unam dicis, memineris iliius quoque ex duabus ; et rursus non oblitus duarum, unam etiam confitearis ? Quoniam sancti Patres quoque in orthodoxa fide fundati, per securam et insuspectam prudentiam, veluti arma inexpugnabilia, unum et alterum secum gerebant, prout rerum opportunitas postulabat, hoc vel illud moventes vibrantesque adversus inimicos veritatis. J.-B. Aucher, Domini Joannis Ozniensis philosophi, Armenorum catholici, opéra, Venise, 1834, p. 113, 117-119, 127.

Chosrov le Grand (f vers 972) rejette expressément l’eutychianisme dans son Explication de la liturgie sacrée :

Unitus est in carne immixtum in modum. Neque enim mutavit aut destruxit divinam naturam aut humanam, sed univit naturas, atque ita idem est Deus et idem homo, ut Verbum divinum sit homo, et quie Virgine incarnatus est, Deus ; atque idem ipse Deus sit et homo. P. Weter, Chosrote Magni, episcopi monophysilici, explicatio precum missee, Fribourg-en-B., 1880, p. 28.

Citons encore ce passage tout à fait suggestif de Nersès de Lampron, archevêque de Tarse († 1198), dans son célèbre discours pour l’union des Églises, au synode de Tarse, en 1196 :

CGrœci, dum duas naturas Christo tribuunt, nihil aliud Intendunt quam confiteri illum esse Deum et hominem et condemnare pessimam hæresim Eutychetis. Agnoscunt unum Christum duas habentem naturas, quia Deus est et homo ; sed illum non dividunt, quippe qui unionem hypostaticam confitentur. Mentis oculo illum contemplantur carnem factum et in carne habitantem, sed illum corporeo oculo non considérant, ut illum dividant. Huic confessioni tum sacræ Scripturee tum nos ipsi, qui unum esse Christum Deum et hominem confitemur, suffragamur. Ergo eidem Christo, cui nos divinitatem tribuimus, illi naturam divinam attribuunt, id est, essentiam divinam. Et dum nos humanitatem prædicamus, illi rursus vocem naturæ usurpant, ut essentiam humanam significent, et sub hoc respectu confitentur, sicut et nos, perfectam utriusque unitionem. Unde, si absque ira et odio rem examinaverimus nullam adversus eos contradictionis causam inveniemus ; siquidem dicere Christum esse Deum et hominem idem est ac dicere Cliristum duas habere naturas… Illi, vanis ducti suspicionibus, contra nos disputant timentque ne, dum Redemptoris nostri unitatem confitemur, utriusque naturæ proprietates confundamus, et nos credere naturam humanam, post unionem, in divinam naturam fuisse mutatam suspicantur. Sed, cum adjutorio Altissimi, ab hac hæresi immuncs sunt Armeniæ Ecclesiæ inde a principio ad nostra usque tempora. Et omnia scripta a nostris Patribus édita Christum esse Deum et hominem aperte confitentur… Non dicimus : Verbi incarnati una natura ad confundendas essentiarum proprietates, ut credunt qui nos impugnant ; sed ita loquimur, ut duarum naturarum in una persona ineffabilem unionem demonslremus, diuinitatis et humanitatis proprietates dislinguenles… Confitemur duas naturas, etiam post unionem inconfusas ac distinctas in Christo inveniri. Pasquale Aucher, Orazione sinodale di S. Nierses Lampronense, Venise, 1812, p. 85-87, 89-91, 93.

La première partie de notre conclusion sur la croyance des Églises monophysiles est donc suffisamment établie : la doctrine officielle de ces Églises sur le mystère de l’incarnation n’est autre que le monophysisme verbal de Dioscore, de Philoxène et de Sévère d’Antioclie. Quelques théologiens même, surtout parmi les -Arméniens, acceptent comme également légitimes la terminologie monophysite et les formules dyophysites des catholiques, et méritent de figurer parmi les partisans du monophysisme orthodoxe, dont nous dirons un mot tout à l’heure. Il nous reste maintenant à montrer que, favorisé par les formules équivoques du monophysisme verbal, un eutychianisme plus ou moins al ténue s’est parfois nlissé parmi ces groupes dissidents, sans réussir toutefois à s’imposer.

3° Infiltrations eutychiennes dans les Églises monophysiles. — 1. Sur la fin du vre siècle, la secte des Niobites, dont il a été parlé à l’article Eutychianisme et monophysisme, col. 1606, qui rejetait toute différence des natures après l’union, fit quelaues recrues parmi les Syriens jacobites. Ces sectaires furent condamnés au synode de Gouba par le patriarche d’Antioclie, Pierre le Jeune, de Callinique (578-591).

2. A plusieurs reprises, au cours des siècles, des partisans d’Eutychès et des sectes eutychiennes sont signalés parmi les Arméniens. Dans son Traité contre les phantasiastes, Jean Otznetzi nous révèle les excès de langage monophysite auxquels se laissaient aller certains sectaires. Ils refusaient, par exemple, de dire que le Christ avait souffert selon la chair ou par la chair, de peur de poser deux natures dans le Verbe incarné. Ils ne voulaient pas confesser que le Verbe se fût incarné de la Vierge, parce que ces mots : de la Vierge rappelaient notre nature. Ils soutenaient que le mot nature ne pouvait s’appliquer à aucune créature et ne pouvait désigner que la divinité. Ils allaient jusqu’à employer des formules dans le genre de celleci : Quse ex Pâtre existens eral anima, eadem animata fuit ex sancta Virgine, et quæ ex Pâtre natura erat, eadem nata fuit ex utero Virginis. Joannis Ozniensis opéra, éd. cit., p. 111, 119, 121. Au xii’siècle, Nersès le Gracieux reproche à certains prêtres d’attribuer la passion et la mort à la nature divine. Opéra, t. i, p. 27. Par manque de culture philosophique, certains auteurs arméniens paraissent n’avoir fait aucune distinction entre les termes concrets et les termes abstraits : ce qui est fort grave et mène droit à l’eutychianisme au moins dans les mots. D’après Galano, Concilialio Ecclesiæ armenæ cum omana, rpars altéra, t. i, p. 82-83, quelques polémistes arméniens des xme et xive siècles, Vartan de Pazpert et Grégoire Dattev, tombaient dans les errements terminologiques des Aktistètes. Ainsi Grégoire Dattev disait :

Christus non dicitur creatura, neque creator et créature, sed omnino creator et non factus, etiam secundum carnem. Non dicitur temporalis, sed œternus ac sempiternus, etiam secundum carnem. Non dicitur purus homo propter formam humanam, sed omnino Deus in humana forma. Non dicitur parvus propter defectum œtatis, sed semper omnino magnus, etiam secundum carnem ; similiter et de aliis omnibus attributis.

Plus sérieuse et plus durable a été l’influence de la doctrine gaïanite ou julianisme dans l’Église arménienne. Sans doute les accusations de julianisme portées à l’adresse des Arméniens par certains théologiens coptes et syriens sont exagérées ; mais il faut reconnaître que, dès le début du vie siècle, Julien d’Ilalicarnasse eut des disciples en Syrie et en Arménie. Un véritable julianiste, l’évêque Aptischoh, assista au synode de Tovin en 552. Il englobait dans le même anathème Eutychès et Sévère d’Antioclie. Au vu’siècle, Jean de Maracouma et son disciple Sergius se réclament ouvertement de l’évêque d’Halicarnasse. Au synode de Manazgherd (726), où Syriens jacobites et Arméniens, se rencontrent, l’entente parfaite ne peut se faire entre les deux partis sur la question de l’incorruptibilité et de l’immortalité du corps du Sauveur. Cf. Clironique de Michel le Syrien, éd. Chabot, t. ii, fasc. 3, p. 492-500. Un julianisme atténué se rencontre jusque chez les meilleurs théologiens arméniens, comme Jean Otznetzi et Nersès le Gracieux. Celui-ci enseigne, par exemple, que Notre-Seigneur, durant sa vie mortelle, prenait les aliments d’une manière incorruptible et n’éprouvait point les effets naturels de la digestion.

3. Au xi° siècle, on signale chez les Coptes un cutychien en la personne de l’anachorète Samuel, d’origine syrienne, qui enseignait que le corps du Christ