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MOLINISME, CONTROVERSES RÉCENTES


nément, et il n’est permis à aucun supérieur ecclésiastique, dans l'état de choses actuel, de les en détourner. Les sectateurs de Molina et de Suarez sont proscrits par leurs adversaires, comme s’ils étaient semi-pélagiens ; jusqu’ici les pontifes romains n’ont pas porté de jugement sur ce système de Molina, et par suite ils continuent et peuvent continuer de le soutenir. » F. Cavallera, op. cit., n. 923.

VI. L’anti-molinisme de Billuart. — Pendant les discussions soulevées autour de la bulle Unigenilus, un polémiste vigoureux autant que vigilant s'était révélé du côté des dominicains, dans la personne de Billuart, alternativement professeur à Douai et à Revin. Il avait publié successivement : Le thomisme vengé de sa prétendue condamnation par la Constitution Unigenitus, Bruxelles, 1720 ; Examen critique des Réflexions sur le bref de notre S. Père le Pape Benoît XIII du 6 novembre 1724, adressé aux dominicains ; Le ttiomisme triomphant par le bref Demissas preces de Benoit XIII ou justification de l’Examen critique… ; Apologie du thomisme triomphant contre les neuf lettres anonymes qui ont paru depuis peu, Liège, 1731. Il avait défendu les P. Massoulié et Contenson, O. P., censurés par la faculté de théologie de Douai ; soutenu, contre le chanoine de Cambrai Stievenard, que Fénelon avait confondu à tort les thomistes et les jansénistes ; combattu V Histoire du Baïanisme du P. Duchesne, S. J.. Voir les titres de ces écrits à l’art. Billuart. Il se montra l’adversaire le plus redoutable du molinisme, dans sa Summa S. Thomæ, 19 vol. in-8°, Li ge, 1746-1751, et sa Summa Summæ S. Thomæ, 6 vol., Liège, 1754, qui eurent chacune quatre éditions avant 1789.

Les jésuites ne purent opposer à Billuart un adversaire à sa taille. Jusqu’au milieu du siècle, leurs hommes les plus remarquables, les Hardouin († 1729) et les Petau († 1752) s’occupèrent surtout de théologie positive ; puis ce fut la lutte pour l’existence même de l’Ordre, et sa chute progressive. Sterzinger avait publié à Inspruck, en 1728, Scienlia média plene conciliata cum doctrina S. Thomas Aquinatis. Les théologiens de Wurzbourg maintiennent encore avec honneur les positions molinistes, dans leur Theoloqia dogmatica polemica, scholastica et moralis, Wurzbourg, 17661771 ; mais déjà la Compagnie a été supprimée au Portugal et en France. Clément XIV l’abolit en 1773, et quelques années plus tard la Révolution interrompt brutalement toute discussion d'écoles.

VIL Les controverses récentes sur le molinisme. — 1° Billuart « redivivu » et G. Schneemunn. — Le mouvement de retour à la scolastique, qui se dessina vers le milieu du xixe siècle, et alla s’aceentuant de plus en plus, ne pouvait manquer de réveiller les anciennes controverses. De multiples réimpressions de Billuart, entreprises à Florence, à Paris, à Home, à Lyon, à Arras, mettaient à la portée de tous les étudiants en théologie l’argumentation historicophilosophique d’un « thomiste de la vieille école » contre le molinisme. L’auteur, qui était présenté dans l'édition de Mgr Lequette comme ayant hérité à la fois des doctrines et de l’esprit du Docteur angélique (t. i, p. vi), disait expressément que la science moyenne préparait la voie au semi-pélagianisme et que Paul V l’avait condamnée, quoiqu’il ait suspendu momentanément la publication solennelle de la sentence. L’affirmation porta bientôt son fruit. On entendit parler de nouveau de la « grûcc versatile » de Molina et on put lire, un peu partout, des critiques

plus ou moins réfléchies du molinisme.

Survint la promulgation par Léon XIII, le l août 1879, de l’encyclique fêterai Patris sur la restauration dans toutes les écoles catholiques de la philosophie chrétienne d’après saint Thomas. Quoique les

jésuites se soient toujours réclamés du Docteur angélique et qu’ils n’aient pas peu contribué à le remettre en honneur, on laissait entendre, çà et là, que l’encyclique était dirigée contre eux.

Le P. Schneemann, S. J., dans deux brochures en langue allemande, prit la défense de la Compagnie, puis il publia en latin une histoire des controverses De auxiliis qui eut un grand retentissement. Controversiarum de divinæ gratiæ liberique arbitrii concordia initia et progressus enarravit Gerardus Schneemann, in-8°, Fribourg-en-Br., 1881. Dans sa partie historique, l’auteur fait le procès de Serry, en s’appuyant surtout sur un manuscrit inédit du P. Poussines († 1686) dont l’autographe est conservé à Toulouse. Il apporte au débat des documents nouveaux desquels il ressort, à l'évidence, que Paul V n’a pas voulu condamner le molinisme. Voir plus haut, col. 2164. Dans sa partie doctrinale, il entreprend de montrer que les théologiens de la Compagnie sont d’accord avec saint Thomas et l’ancienne école thomiste, et même avec saint Augustin, mieux que Banez et ses partisans. Schneemann rencontra dans le P. Dummermuth, O. P., son principal adversaire : S. Thomas et doctrina prœmolionis physicæ, Paris, 1886. Il fut défendu par V. Frins, S. J., S. Thomæ Aquinatis doctrina de coopération Dei cum omni naiura creata, Paris, 1893 ; De San, De Deo uno, Louvain, 1894 ; S. Schifnni, Traclatus de gratia divina, Fribourg, 1901, etc.

Th. de Régnon et H. Gayraud. — D’une plume alerte, le P. Théodore de Régnon, S. J., dans Banez et Molina, in-12, Paris, 1883, engagea la lutte en France. Utilisant largement le P. Schneemann, opposant comme lui Molina à Banez et non à saint Thomas, il le dépasse en ce qu’il déclare que le congruisme, imposé par Aquaviva et suivi par obéissance pendant deux siècles, peut désormais être abandonné pour un franc retour à Molina. Puis, devant le silence du Tribunal suprême, il fait appel au « sens des fidèles » pour juger de la valeur des systèmes, et invite les thomistes à convenir que, partout ailleurs que dans l’enceinte de leurs écoles : dans la chaire, au confessionnal, dans leur oratoire, ils sont « avec le peuple chrétien tout entier, d’humbles molinistes ». P. 163. Le P. de Régnon, après Bunes et Molina, avait publié dans les Études religieuses, t. xliii, Paris. 1888, p. 371-392, un article intitulé : Travaux contemporains sur la question du libre arbitre. Il fut pris à partie dans la revue la Science catholique de Lyon, par le P. Gayraud, O. P., qui y publiait plusieurs chapitres de son Thomisme et molinisme, 1889. Il répondit, dans la même revue, par l’article Banncsianisme et molinisme, qui lui attira une Réplique au R. P. de Régnon, Cette polémique donna naissance à deux volumes : Bannési(tnisme et molinisme, du Pf de Régnon, Paris, 1890 ; et Providence et libre arbitre selon saint Thomas d’Aquin, du P. Gayraud, 1892. L’avantage resta au moliniste, en ce sens que son adversaire, a après une nouvelle étude et plus indépendante » de saint Thomas, abandonna la prédétermination physique pour n’admettre plus que la prémotion. Voir art. Gayraud.

3° L’interprétation de l’encyclique.Iviikm Patris. - Léon XIII insistait de plus en plus sur le retour à saint Thomas. La Compagnie de.lesus, dans sa xxiii » Congrégation générale, tenue en 1883, axait adhéré officiellement aux directions données par l’encyclique JSterni Patris, et déclaré une fois de plus que saint Thomas doit être regardé comme son « docteur propre » ; mais elle avait invité professeurs et étudiants à se référer, pour l’interprétation de saint Thomas, aux « excellents docteurs de la Compagnie, loués et approuvés dans l'Église. Voir art.. JÉSUITES, col. 1038. Le pape précisa, par le bref Gravissime nos