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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE GALLICANE


rendre compte de la foi de ces Églises au mystère eucharistique.

Du mot post secrela on a conclu assez naturellement que la formule de la consécration était faite à voix basse, tandis que la contestation et le post sanctus étaient dits à haute voix. Nous ne reprendrons pas ici la question si chaudement débattue au xviie et au xviii siècle entre théologiens et liturgistes sur le secret des mystères. Elle a perdu, nous semble-t-il, de son actualité, et nous nous contenterons de renvoyer sur ce point à Ed. Bishop, Observations on the liturgij of Narsai, p. 121-126, et à notre art. Amen du Diction, d’archéol.

A l’oraison post sécréta se rattachent les rites de la fraction et de la commixtio. La fraction est dans la messe primitive un rite de première importance. Le nom de fractio panis donné à l’eucharistie à l’origine, la place du mot fregit dans le récit de l’institution, l’insistance des liturgies les plus antiques dans cette formule sur les mots [corpus meum] quod pro vobis confringetur, et d’autres indices nombreux, suffiraient à cette démonstration. On trouve pour ce rite de nombreuses variétés dans les liturgies. Nous verrons, pour la messe celtique, que les Irlandais divisent l’hostie de sept façons différentes suivant les fêtes. En Gaule on les divisait en neuf parcelles, en forme de croix. Parfois on les arrangeait sur la patène de manière à dessiner une forme humaine. Le concile de Tours de 567 interdit cette pratique comme superstitieuse et ordonna de disposer les parcelles en forme de croix. Le sens attaché à ce geste est donné par un chant de fraction qui s’appelle confraclorium ou ad confractionem. Nous en avons cité quelques-unes dans notre article Fractio panis, du Diction, d’archéol. En voici une :

Credimus Domine, credimus in hac confractione corporis et effusione tui sanguinis nos esse redemptos : confidimus etiam quod spe hic intérim jam tenemus, in aeternum perfrui mereamur. Per.

La commixtion ou immixtion a, comme la fraction, une portée dogmatique. L’officiant trempe dans le calice une ou plusieurs des parcelles consacrées et en laisse tomber une dans le calice. Sous cette forme et avec les paroles dont elles est accompagnée dans plusieurs liturgies, ce rite ne semble avoir d’autre but que de montrer aux fidèles avant la communion que c’est bien le corps et le sang du Christ qu’ils vont recevoir, et que la séparation de l’un et de l’autre sous les espèces différentes du pain et du viii, n’est qu’une apparence. Quoique à cette époque la communion sous les deux espèces fût à peu près universelle, la doctrine n’en était pas moins admise que le Christ était tout entier sous l’une ou l’autre espèce. Les rites de commixtion et d’immixtion qui se rattachent à cette partie de la messe, nous semblent favoriser cette interprétation. Voir Immixtion du Diction, d’archéol.

La récitation du Pater suit la fraction et la commixtion. La récitation du Pater à la messe et à cette place ou à une place voisine de la fraction et de la communion, est une pratique presque universelle. A la vérité on a pu citer quelques exceptions. Les Constitutions apostoliques ne parlent pas du Pater, pas plus que saint Hippolyte, Sérapion ou l’anaphore de Balizeh. Mais ce sont là des exceptions. Le Pater a sa place, et une place d’honneur, à la messe romaine ; il y est entouré de rites particuliers. Chez les gallicans, comme dans la plupart des autres liturgies, il est encadré entre un prélude ou protocole et une conclusion ou embolisme.

Voici ces deux textes d’après le Missale gothicum : Non nostro præsumentes, Pater sancte, merito, sed domini nostri Jesu Christi Filii tui obedientes imperio, audemus dicere : Pater noster, etc.

Libéra nos, omnipotens Deus, ab omni malo, ab omni periculo, et custodi nos in omni opère bono, perfecta veritas et vera libertas, Deus, qui régnas in sæcula sseculorum.

Protocole et embolisme varient du reste chez les gallicans, comme la contestatio ou le Post sanctus ou Y Ad pacem.

Ces rites divers ont pour but de mettre en relief l’importance de cette prière enseignée à ses disciples par le Christ et qui est la prière des prières. Cette importance a été dès l’origine reconnue et attestée par la liturgie. La finale du Pater fut enrichie d’une doxologie, comme nous le voyons dans la Didachè, et dans quelques-uns des plus anciens manuscrits du Nouveau Testament, et l’on ne s'étonne pas trop de l’assertion de saint Grégoire, qui s’indignant de voir le Pater relégué après le canon, le fait remonter jusqu'à la fraction, en disant qu'à l’origine le Pater était la prière sur laquelle les apôtres consacraient. Voir col. 983. Le Pater a aussi une place d’honneur au baptême et dans d’autres sacrements.

A la messe gallicane le Pater est récité par l’assistance tout entière, comme c'était aussi la coutume chez les Grecs, tandis qu’en Afrique, en Espagne et à Rome, le célébrant prononçait seul à haute voix le Pater, et le peuple répondait Amen, ou sed libéra nos a malo.

Avant la communion l'évêque ou même le prêtre bénit les fidèles. Cette bénédiction a aussi son importance dans la liturgie ; elle n’est pas spéciale à la liturgie gallicane, mais elle avait lieu en Afrique au temps de saint Augustin ; elle existe aussi dans les liturgies orientales, et tout indique que Rome l’a connue, bien qu’elle y ait été transformée et déplacée. Cf. dom Wilmart, op. cit., col. 1088 ; dom Morin, Revue bénédictine, 1912, t. xxix, p. 179 sq.

Le sens de cette bénédiction, sorte d’absolution ou de purification dernière avant la communion, est déterminé par les formules qui l’accompagnaient. Le diacre disait : Humiliate vos benediclioni, ou chez les Grecs : Inclinons nos têtes devant le Seigneur. Le Pseudo-Germain nous cite celle-ci : Pax, fides et carilas, et communicatio corporis et sanguinis D. N. J. C. sit semper vobiscum, et il nous dit que la bénédiction du prêtre devait être plus courte et moins solennelle que celle de l'évêque. C’est une allusion discrète aux discussions qui sans doute eurent lieu à cette époque, et dont quelques conciles portent la trace au ve et au vie siècle, dans les canons qui ont pour objet soit de réserver exclusivement à l'évêque le droit de bénir le peuple, soit de marquer la différence entre l’une et l’autre, comme ici. (Cf. notamment concile d’Agde de 506, can. 44.) La formule variait selon les jours ; il existe dans les manuscrits des recueils de bénédictions episcopales dont quelques-uns ont été édités, et qu’il ne faut pas négliger, car ils sont aussi un des éléments de la liturgie théologique. Voir notre article Bénédictions episcopales du Diction, d’archéol.

Une certaine hiérarchie, ou si l’on veut un ordre rigoureux était maintenu pour la communion ; les prêtres et les diacres communiaient à l’autel, les autres clercs devant l’autel, les laïques hors du chœur. C'était du moins l’usage en Espagne. En Gaule les fidèles entraient dans, le chœur et venaient communier à l’autel. Les hommes recevaient l’hostie sur la main nue, les femmes la recevaient dans un linge appelé dominical. Duchesne, op. cit., p. 257.

Pendant la communion on exécutait un chant : antiphona ad accedenles. Selon la plus ancienne tradition, c'était le ps. xxxiii, Benedicam Dominum in omni tempore, ou du moins quelques-uns de ses versets qui s’appliquent si bien à l’eucharistie : accedite ad