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MOGHILA, LA CONFESSION DE FOI


Les protestants, au début du moins, tombèrent dans un excès contraire et allèrent jusqu’à nier son authenticité. Depuis, quelques-uns d’entre eux, comme Frisch dans la préface à la version allemande signalée plus haut, ont paru en faire un livre symbolique proprement dit, voire même l’unique livre symbolique de l’Église gréco-russe. Plus avisé, E. J. Rimmel, dans ses Prolegomena à l’édition des Monumenta fidei Ecclesiæ orientalis, Iéna, 1850, p. i-ii, a dit fort justement que l’Église grecque n’avait pas de livres symboliques proprement dits au sens protestant du mot : Nullus exstat liber symbolicus ab omnibus Grœcorum sacerdotibus ita subscriptus, ut ab ejus doclrina se nulle modo recessuros unquam esse, quasi jurejurerando se obstrinxissent cuncti. Le vieux-catholique Michaud est du même avis : « On ne peut considérer la Confession orthodoxe ni comme une définition de foi ni comme un recueil d’articles de foi. » Revue internationale de théologie, 1006, t xiv, p. 17. Limité à cette simple affirmation, le jugement de Michaud est historiquement exact, comme nous le montrerons tout à l’heure. Certains auteurs catholiques récents sont cependant d’un sentiment contraire. A. Palmieri, impressionné par les nombreuses et retentissantes approbations que la Confession orthodoxe a reçues, depuis son apparition, de la part des patriarches et des prélats orientaux, mais oubliant le cas qu’en ont pratiquement fait ces mêmes prélats, et l’ensemble des théologiens gréco-russes, a écrit : Ut mea fert sententia, si Confessio Moghilana valore symbolico destitueretur, aclum jam foret de cunctis Ecclesiarum orlhodoxarum libris symbolicis… Mea igitur sententia ad Confessionem Moghilanam quod spectat, conditiones illæ complentur, quee necessariæ ducuntur ut cuidam libro character symbolicus vindicetur. Theologia dogmatiea orthodoxa, t. i, p. 562, 563.

Ceux qui ont le droit d’être entendus sur cette question, ce sont avant tout les théologiens grécorusses eux-mêmes. Mais ceux-là non plus ne sont pas d’accord entre eux. Un certain nombre donnent raison à A. Palmieri et complètement tort à Michaud : ils assimilent la Confession orthodoxe (conjointement avec la Confession de foi de Dosithée) à un recueil d’articles de foi définis, ayant la même autorité infaillible que les définitions des conciles œcuméniques, et cela en vertu d’un raisonnement conforme aux principes d’une saine théologie, qui peut se formuler ainsi : la Confession orthodoxe a successivement été approuvée et reçue par les aute rites religieuses des diverses Églises autocéphales comme l’expression authentique de la foi de l’Église orthodoxe. Le magistère ordinaire de cette Église, qui n’a pas moins de valeur que le magistère extraordinaire s’exprimant par la voix du concile œcuménique, s’est donc exercé à l’égard de ce document. Tout fidèle de la même Église doit donc accepter son enseignement comme infaillible et obligatoire. Ainsi raisonnent explicitement ou implicitement des théologiens russes comme l’archiprêtre E. Popov, Serge, évêque de lambourg, Gousse ; des théologiens grecs, comme Zikos Rhosis, Chrysostome de Drama ; des théologiens serbes, comme Nicodème Milasch ; des théologiens roumains comme Melchisedec, M. S. Dobrescii. Cf. A. Palmieri, op. cit., p. 560 ; M. Jugie, Theologia dogmatiea christianorum orientalium ab Ecclesia catholica dissidentium, t.i, Paris, 1026, p. 676-678 ; Malvy-Viller, op. cit.,

p. LXIV.

Ce raisonnement n’est pas accepté par d’autres théologiens, dont le nombre s’accroît de jour en jour : Pour eux, la seule voix infaillible dans l’Église est celle du concile œcuménique. La valeur dogmatique de la Confession orthodoxe et des documents similaires n’est que relative. Leur doctrine n’est recevable que

dans la mesure où elle concorde avec les définitions des conciles œcuméniques ou des conciles particuliers approuvés par les conciles œcuméniques. Sur les points non définis par ces conciles — et ils sont nombreux — le théologien « orthodoxe » n’est pas obligé d’être de l’avis de la Confession orthodoxe, et peut aveir son sentiment particulier. Cette manière de oir est celle des théologiens russes et grecs les plus en vue. On la trouve chez les auteurs des principaux manuels de théologie dogmatique composés au cours du xix » siècle et au début du xx’: Antoine Amphitheatrov, Philarète Goumilevskii, Sylvestre Malevanskii, Malinovskii, même chez Macaire Boulgakov, bien qu’il appelle à un endroit la Confession orthodoxe une pierre de touche de l’orthodoxie ; chez les Grecs, N. M. Damalas, C. Androutsos, D. S. Balanos, Chrysostome, Papadopoulos, même chez I. Mésoloras, qui ne voit dans la Confession orthodoxe qu’un livre symbolique de second ordre ; ce qui revient à dire que ce n’est pas un livre symbolique proprement dit. A plus forte raison sont-ils de cet avis les théologiens indépendants, ceux qu’on peut appeler les représentants de l’orthodoxie large : tel le groupe des théologiens russes qui, en ces dernières aimées, étaient partisans de l’union avec les vieux-catholiques comme l’archiprêtre Svietlcv, le savant Bolotov, le général Kireev, etc. La même doctrine a été insérée dans le t. xii de l’Encyclopédie théologique russe, Saint-Pétersbourg, 1011, col. 4 sq., à l’article Livres symboliques, signé de P. Ponomarev et de V. Kerenskii. Voir les citations et les références pour chaque auteur dans notre ouvrage : Theologia orientalium, t. i, p. 672-676.

Il faut reconnaître que la pratique constante des théologiens gréco-russes, depuis l’apparition de la Confession orthodoxe et sa solennelle approbation par les quatre patriarches orientaux, donne pleine raison aux tenants de cette seconde opinion. Ces théologiens ne se sont jamais fait scrupule de contredire sur certains points cette soi-disant règle de foi. Nous avons tout d’abord l’exemple de Mrghila lui-même et des théologiens de la Petite-Russie, et aussi des Moscovites. Moghila, nous l’avons vii, a pratiquement renié la Confession orthodoxe, dont il reste pourtant le principal auteur. Sur cinq ou six points importants, il a enseigné, après 1613, c’est-à-dire après l’approbation des patriarches orientaux, et après avoir reçu un exemplaire authentique, une doctrine opposée aux corrections de Mélèce Syrigos. Ceux de son École ont fait de même, et ont propagé leurs opinions en’Grande-Russie, si bien que, vers la fin du xviie siècle, il y eut à Moscou une longue controverse sur la forme de l’eucharistie. La doctrine de la Confession orthodoxe sur ce point particulier n’y triompha que difficilement et après de longues discussions. Sur d’autres questions, la théologie kiévienne maintint ses positions et les a maintenues jusqu’à ce jour, par exemple, sur la validité du baptême des hérétiques, sur la non-itération de la confirmation, même aux apostats, sur la rétribution immédiate aussitôt après la mort.

Qu’on examine, du reste, la manière dont les théologiens grecs du xviie siècle restent fidèles à la doctrine de la Confession orthodoxe. En 1643, les quatre patriarches orientaux déclarent solennellement que ce document « est tout à fait conforme à la doctrine orthodoxe et ne s’en écarte en rien : eûpopiEV xùzb èiraxôXouGov toïç Sôyimoi tyjç toû Xpiaroû’KxxXyjaîaç xal è|16çcûvov toïç IspoTç xavéai xaT’oùSÈv èvavTioûptôvov aùxrj. Kimmel, op. cit., t. I, p. 53. Or, sur plusieurs points, notamment sur l’existence d’une peine temporelle due au péché pardonné, sur le purgatoire, sur l’époque de la rétribution, la Confession orthodoxe représente, non le sentiment commun de la théologie grecque à cette époque, sentiment qui est conforme