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MŒHLER. ŒUVRES

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société ecclésiastique une certaine élite indécise qui volontiers, pour trouver Dieu, se serait groupée dans quelques pieuses coteries d’ « éveillés ».. Le livre de l’Unité convoquait au sein même de l’Église, et là seulement, les aspirations des âmes mystiques. » Goyau, p. 28-29. Ce livre « ne fut pas seulement un travail scientifique, ce fut un acte moral ». Gains, cité par Goyau, p. 25. « Avec un laborieux effort de recherches, avec une tension émue qui est par elle-même une prière, Mœhler veut acquérir le sentiment, et de ce qu’est l’Église, et de l’identité de sa conscience de croyant avec la conscience collective de la primitive Église ; et je ne sache aucun livre dans lequel l’étude de textes, érudite et critique, olïre au même degré la profondeur d’une méditation. » Goyau, p. 25-26. Aussi « le traité de l’Unité fit véritablement vivre des âmes : en atteignant en certains lecteurs l’homme intérieur, il retentissait jusque dans ces sphères de l’être qui sont inaccessibles à l’oubli, i Goyau, p. 27. Plus d’un demi-siècle après son apparition, Dœllinger se rappelait le » véritable charme » qu’il avait exercé sur la jeunesse ; cf. Goyau, p. 26.

2. Symbolik oder Darstellung der dogmatischen Gegensûlze der Katholiken und Protestanten, nach ihren ôflentlichen Bekennlnisschriflen, Mayence, 1832. La traduction de Lâchât, sous le titre : La symbolique, ou Exposition des contrariétés dogmatiques entre les catholiques et les protestants, d’après leurs confessions de foi publiques, 2e édition, Paris, 1852, « rend d’ordinaire, et souvent développe et paraphrase pour mieux l’expliquer, l’ensemble de la pensée de Mœhler… De toute évidence, il y a souvent plus de lumière, pour un lecteur français, dans la traduction Lâchât, que dans le texte plus dense et plus abstrait de Mœhler ; et nous n’avons aucun motif, enfin, de refuser créance à M. Lâchât lorsqu’il nous affirme que cette traduction, telle quelle, « a été faite sous les yeux » de Mœhler ». Goyau, p. 5-6.

3. Neue Untersuchungen der Lchrgegensùtze zwischen den Katholiken und Protestanten. lune Vertheidigung meiner Sumbolik gegen die Kritik des Herrn Prof. Dr. Baur in Tùbingen, Mayence, 1834. La traduction de Lâchât, sous le titre : Défense de la Symbolique, ou Nouvelles recherches sur les contrariétés dogmatiques… 2e édition, Paris, 1835, » exagère le tendance ordinaire du traducteur à s’écarter du texte ; ce n’est qu’une analyse raccourcie et simplifiée. » Goyau, p. 6. « La première idée de ce livre (La Symbolique), déclare Mœhler, nous a été suggérée, nous devons le dire, par les adversaires de notre foi. Depuis longtemps déjà, les protestants donnent, dans presque toutes les universités d’Allemagne, des cours publics sur les contrariétés doctrinales qui divisent l’Europe chrétienne. Nous avons toujours approuvé, pour notre part, ce genre d’enseignement, et nous conçûmes le dessein de le transporter dans le domaine catholique. » La Symbolique, trad. Lâchât, t. i, p. xxxv-xxxvi. Dès 1827, en effet, Mœhler commença son cours de symbolique à la faculté de Tubingue ; cf. Vermeil, p. 223. Le livre de Mœhler devait « combler une lacune très sensible dans la littérature catholique », p. xi.i. Non pas que les » productions théologiques contre les travaux des hétérodoxes », p. xi., fissent défaut en Allemagne à cette époque, « mais aucune, du moins que nous sachions, n’a exposé les nouveautés du XVIe siècle dans leur connexité réciproque, avec une logique rigoureuse, scientifiquement, philosophiquement. « P. xi.i ; cf. p. in. Muhler adresse d’ailleurs le même reproche aux auteurs protestants, si l’on en excepte Marheinecke (cf. Vermeil, p. 218) ; Wlner, par exemple « n’a pas su saisir et montrer le lien organique qui unit les différentes affirmations dogmatiques

de chaque système confessionnel. Il ne dégage pas « l’idée » centrale du catholicisme et celle du protestantisme pour les opposer ensuite l’une à l’autre comme deux irréductibles vivants. » Vermeil, p. 223. Le but que Mœhler se propose en publiant la Symbolique, « c’est de ramener la tolérance entre les confessions chrétiennes », p. xi.n : o si l’on ne peut dès ce moment réunir les esprits dans l’unité de la foi, ne pourrait-on pas réconcilier les cœurs dans le sein de la charité ? » P. xi.in. — « Après avoir confronté les symboles des grandes communions chrétiennes, nous passerons en revue les sectes qui se sont formées dans le sein même de la Réforme, » P. xi.v. L’ouvrage se divisera donc en deux parties très inégales : Livre I, contrariétés dogmatiques entre les catholiques, les luthériens et les réformés ; Livre II, contrariétés dogmatiques entre les catholiques et les petites sectes protestantes. — Mais une dernière question se posait : dans quel ordre fallait-il exposer les doctrines antagonistes ? Mœhler sait que « la doctrine fondamentale de la justification, tel fut le terrain sur lequel s’enga^ta le conflit du xvi° siècle. De ce point central, l’attaque se dirigea comme d’elle-même vers la périphérie… Sans doute notre exposition provoquerait bien plus vivement, dès le début, l’intérêt du lecteur, si nous le placions tout d’abord au point culminant du combat pour lui faire voir d’un seul coup d’œil tout le terrain qu’il occupe ; mais… nous ne suivrons… pas la route tracée par les réformateurs : au lieu de nous placer tout d’abord au centre du christianisme, nous partirons d’une de ses extrémités, prenant l’homme à sa naissance pour le considérer dans toutes les phases de sa vie jusqu’au delà du tombeau. » P. 2-3. Les contrariétés sur l’Église ne viendront qu’endernier lieu. Sur cette question du plan dr la Symbolique, cf. Vermeil, p. 180, p. 235-236.

La page suivante du sagace analyste de la pensée mœhlérienne qu’est M. Vermeil, résume admirablement la thèse fondamentale de la Symbolique : le protestantisme « a momentanément compromis le caractère éminemment organique de la vie religieuse, l’union intime du Divin et de l’Humain, du surnaturel et du naturel que réalise si bien le catholicisme… L’évolution du monde moderne a pratiqué une coupure mortelle en la religiosité européenne. La Renaissance a développé l’entendement, la Réforme le mysticisme individuel. Ces deux processus parallèles ont conduit à leur limite absolue ces deux modes de réalité spirituelle que l’Église, au Moyen Age, avait su maintenir en collaboration féconde. Ils ont engendré le socinianisme et le vieux protestantisme. Le socinianisme. .. nie la divinité de Christ ; le vieux protestantisme néglige son humanité. Le premier exalte la raison ; le second la méprise. Mais ces deux hérésies fondamentales, prolongements des hérésies anciennes, présentent des caractères communs qui constituent précisément l’essence de toute hérésie. Elles veulent revenir directement au christianisme soi-disant originel, et elles. le cherchent dans l’Écriture séparée de la tradition et de l’Église… Elles suivent enfin des évolutions semblables. Le vieux protestantisme s’est arrêté en plein développement, laissant aux sectes le soin de parachever le morcellement de la vie religieuse. Le socinianisme a également abandonné au protestantisme moderne le soin d’élaborer une critique intégrale du supranaturalisme. Tel est le schème de la Symbolique. » P. 231. Le catholicisme enveloppe dans une sorte d’unité supérieure les deux théories inverses entre lesquelles le protestantisme s’est partagé ; … il crée l’harmonie des contraires… Si l’on nous donnait licence, pour résumer la pensée de Mœhler, d’emprunter quelques bribes de cette phraséologie hégélienne dont il ne dédaignait pas toujours l’emploi.