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MÉTEMPSYCOSE, DISCUSSION


acquises pendant sa première existence. » P. 277279.

Réponse. — Élie Méric, L’autre vie, Paris, 1880, t. i, p. 325, cite une piquante réfutation par un médium : « Quoil c’est pour résoudre le problème des inégalités intellectuelles que le spirite enseigne le système des réincarnations ! Mais il ne sait donc pas qu’il n’y a pas deux êtres, deux choses semblables dans la nature, et que vous ne sauriez en trouver dans l’immensité de l’espace, pas plus que dans la durée du temps. Pense-t-il pour cela que le grain de blé, que le brin d’herbe se réincarnent ? N’est-ce pas de cette diversité même que naît l-’harmo nie de l’univers ? Un tout harmonique est-il jamais résulté de parties semblables’? » Anatole Barthe, Le livre des esprits, ou Recueil de communications obtenues par divers médiums, Paris, 1863, p. 21.

3e Argument. - - Tiré de l’immensité du travail que nous avons à accomplir avant d’atteindre le but auquel la nature nous destine ; la distance à parcourir est trop grande pour être franchie dans l’intervalle d’ur.e seule existence. Ainsi A. Pesant. Cf. Mainage, Les principes de la théosophie, Paris, 1922, p. 204.

Réponse. — Nous reconnaissons qu’il n’y a pas de proportion entre l’éternité et la centaine d’années dont se compose, au maximum, une existence terrestre ; mais multipliez la durée de la vie humaine par dix, par cent, par mille, par n’importe quel coefficient fini, et vous rencontrez toujours le même manque de proportion entre le produit fini ainsi obtenu et l’infini de l’éternité. La question à résoudre est celle-ci : comment admettre qu’une épreuve de temps limité puisse décider d’une éternité ? et si l’on accepte l’affirmation, qui oserait fixer la limite qu’il faut apporter ?

4e Argument. — Tiré du fait assez général que les bons sont victimes des méchants, et que cependant la société ne disparaît pas, mais continue sans cesse sa marche vers le progrès moral. N’est-ce pas la preuve du retour à la vie des individualités plus évoluées qui maintiennent et développent les saines traditions du dévouement ?

Réponse. — - L’humanité marche-t-elle vers le progrès moral ou au contraire recule-t-elle, c’est un point sur lequel on n’est guère d’accord. Mais même si l’on admet ce progrès moral, il pourra s’expliquer par bien d’autres raisons que par d’hypothétiques réincarnations qui n’expliquent rien du tout

5e Argument. — Deux êtres, placés l’un en face de l’autre par les hasards de la vie, éprouvent des sentiments de sympathie ou d’antipathie qu’on ne saurait expliquer, à moins d’admettre qu’au cours d’une existence antérieure ils se sont aimés ou haïs.

Réponse. — Cette explication pouvait être hasardée quand on ignorait les éléments de la psychologie, mais aujourd’hui les théories du subconscient universellement admises permettent de tenter d’expliquer ces faits. Même sans faire intervenir le subconscient, n’y a-t-il pas des intuitions rapides, des souvenirs, des ressemblances qui peuvent suffisamment rendre compte des phénomènes qu’on nous oppose ? - 2° La métempsycose se heurte à deux objections auxquelles il a été impossible de répondre, à savoir l’absence de souvenir d’une vie antérieure, et l’impossibilité de donner aux réincarnations le caractère de sanction.

1. Pourquoi ne gardons-nous pas le moindre souvenir de nos existences antérieures’} — Aussi loin que nous puissions interroger notre mémoire, nous ne trouvons pas la plus petite trace de ces vies sans nombre que nous aurions vécues dans le passé. Que nous ayons oublié nos vies lointaines, c’est encore admissible, mais que nous ayons vécu hier, et qu’aujourd’hui il ne reste plus rien des événements dont fut constituée cette

existence, encore toute proche, n’y a-t-il pas là un fait singulier ?

Léon Denis, Après la mort, p. 180, répond : « Cet obstacle, d’apparence redoutable, est facile à écarter… Aucun de nous ne se souvient du temps passé dans le sein de sa mère ou même au berceau. Peu d’hommes conservent la mémoire des impressions et des actes de la première enfance… Chaque matin, au réveil, nous perdons le souvenir de la plupart de nos rêves… dans le sommeil magnétique, l’esprit dégagé du corps se souvient des choses qu’il oubliera à son retour dans la chair, mais dont il ressaisira l’enchaînement en revenant à l’état lucide. Cet état de sommeil provoqué développe chez les somnambules des aptitudes spéciales, qui disparaissent à l’état de veille, étouffées, annihilées par l’enveloppe corporelle. »

Nous ne nions pas que, plongés dans le sommeil magnétique, certains médiums puissent reconstituer, une à une, les phases de leur existence actuelle. Ils évoquent les souvenirs de leur jeunesse, de leur première enfance, et leurs descriptions, lorsqu’elles peuvent être vérifiées, sont reconnues fidèles. Mais précisément, au delà, c’est la nuit. On a bien essayé de les pousser dans cet au-delà mystérieux, et docilement ils ont parlé de leur vie antérieure. De l’aveu des expérimentateurs impartiaux, ces prétendues révélations sont de pures fantaisie, contradictoires avec les données historiques, et inventées de toutes pièces sous l’influence de la suggestion.

C’est donc l’oubli définitif, et il est difficile de rappeler sans sourire les raisons apportées par Léon Denis, p. 182-183, pour justifier l’oubli des existences antérieures. « Le fardeau de ces souvenirs serait accablant pour nous. La vie terrestre est parfois lourde à supporter. Elle le serait bien plus encore si, au cortège de nos maux présents, venait s’ajouter la mémoire des souffrances et des hontes passées… Les inimitiés se perpétueraient ; les rivalités, les haines, la discorde se raviveraient de vies en vies, de siècle en siècle. Nos ennemis, nos victimes d’autrefois nous reconnaîtraient et nous poursuivraient de leurs vengeances… La connaissance de nos fautes et des conséquences qu’elles entraînent, en se dressant devant nous comme une effrayante et perpétuelle menace, paralyserait nos efforts, rendrait notre vie insupportable et stérile… Sans l’oubli, les grands coupables, les criminels célèbres seraient marqués pour l’éternité… Presque tous, nous avons besoin de pardon et d’oubli. L’ombre qui cache nos faiblesses et nos misères soulage notre esprit, en nous rendant la réparation moins pénible. » (Mais est-ce une réparation que cette souffrance endurée, sans qu’on en connaisse le pourquoi ?)

Les théosophes essaient de répondre à l’objection en disant que, dans l’intervalle qui sépare deux incarnations successives, les résidus, les impressions des actes accomplis se muent, se transforment en facultés ; ils se dissolvent en quelque sorte, ils ont donc perdu leur caractère d’actes distincts et sont passés à l’état de tendances. Il est donc impossible que l’être humain’, à son retour sur la terre, en ait le souvenir précis, déterminé.

Cette explication n’est guère satisfaisante, car même en admettant que nos actes se changent en simple tendance dans l’intervalle entre deux incarnations, s’en suit-il qu’il nous soit interdit de garder un souvenir quelconque des existences antérieures ? Lorsque nous acquérons en cette vie une habitude quelconque, comme de jouer du piano, de parler une langue, nous perdons le souvenir précis de chacun des actes, des efforts qui y ont contribué, mais nous nous rappelons l’ensemble de notre activité qui a abouti à l’acquisition de cette habitude. De même si nos existences antérieures nous ont fait contracter une tendance nou-