Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée
1587
1588
METEMPSYCOSE, HISTOIRE


mérité d’aller par sa vie. Celles qui n’ont pas su s’affranchir du corps retournent dans des corps humains. Quelques-unes même, qui sont devenues animales, retombent dans le corps des animaux. Quelques-unes, des meilleures, sont admises à choisir, elles-mêmes, leurs nouveaux corps. D’autres enfin s’élèvent au delà du ciel, sont changées en étoiles et, de là, contemplent le spectacle de l’univers. III, iv, 2, 5. Enfin les âmes les plus pures vont se confondre avec Dieu. III, iv, 6. La punition est une sorte de talion. Les mauvais maîtres renaissent esclaves ; les mauvais riches, pauvres. Celui qui a tué devient un homme destiné à être assassiné ; un fils qui a tué sa mère redevient une mère tuée par son fils. III, ii, 13.

Maintenant comment se fait-il que l’âme, qui est pure de toute souillure, puisse tomber dans le péché ? Plotin répond que ce n’est pas l’âme qui pèche, mais l’homme en tant qu’il a un corps et une âme ; par conséquent c’est le composé qui est pécheur, et c’est lui seul qui est puni. I, i, 12.

2. Porphyre.

Le syrien Porphyre va reprendre ces idées sous une nouvelle forme. Admettant comme un fait démontré l’hypothèse platonicienne de la reviviscence, il enseigne que nous avons déjà existé dans une vie antérieure, que nous y avons commis des fautes et que c’est pour les expier que nous sommes revêtus d’un corps ; selon que notre conduite passée a été plus ou moins coupable, l’enveloppe qui recouvre notre âme est plus ou moins matérielle. Ainsi les uns sont unis à un corps aérien, les autres à un corps humain ; et s’ils supportent cette épreuve avec résignation, en remplissant exactement tous les devoirs qu’elle impose, ils remontent par degré au Dieu suprême, en passant par la condition de héros, de dieu intermédiaire, d’ange, d’archange, etc. Ce sont les démons, répandus dans le monde entier qui, poursuivant les âmes, les contraignent à rentrer dans un corps lorsqu’elles en sont séparées.

12° Christianisme. — 1. Les anciens Pères. — Saint Justin, DiaL, iv, P. G., t. vi, col. 181-484, admet une certaine préexistence de l’âme, dont elle n’a pas conscience, non plus que des existences successives qui doivent suivre celle-ci. Par contre Athénagore, De resurrectione, xv, P. G., t. vii, col. 1004, affirme la non-préexistence de l’âme. Saint Irénée, Cont. hxres., III, xxxiii, P. G., t. vii, col. 831, attaque Platon et son breuvage qui fait oublier à l’âme ses vies antérieures. Il n’a pas de peine à montrer que, si le breuvage était aussi efficace qu’on le prétend, on ne se rappellerait pas l’avoir bu et on ne le connaîtrait pas. Clément d’Alexandrie a-t-il admis la préexistence ? Les textes qu’on cite dans ce sens, Slrom., iv, 26 ; P. G., t. viii, col. 1377, et Quis dives salmis, 3, 26, 33, 36, t. ix, col. 608, 632, 640, 641, ne sont pas décisifs. Photius, Biblioth., cod. 109, P. G., t.vru, col. 45, dit que les llijpotij poses soutiennent la métempsycose. Mais tant d’autres fables absurdes se trouvaient également dans son exemplaire que Photius se demande si vraiment c’est là l’œuvre de Clément.

2. Origène, ses hypothèses, sa condamnation. — Origène n’a enseigné nulle part la métempsycose, quoiqu’il ait admis la préexistence des âmes. Sans doute saint Thomas, Quæst. dis/), de pot., q. iii, a. 10, dit bien que tous ceux qui ont admis la création de l’âme en dehors du corps ont admis la transmigration des âmes, mais il s’agit d’un lien logique entre deux erreurs, dont on peut se préserver partiellement par un heureux Illogisme. D’ailleurs Origène ne se prononce, De principiis, II, viii, I, P. G., t. xi, col. 224, qu’avec une certaine réserve, en chercheur qui lance une hypothèse, non en maître qui enseigne. Il ne faut donc pas voir dans ses théories l’indice d’un courant traditionnel parmi les chrétiens, mais un essai malheu reux pour concilier avec le dogme les idées platoniciennes. Au témoignage d’Eusèbe, H. E., VI, xix, 7, Porphyre disait de lui : « Dans sa vie, c’était un chrétien et un ennemi des lois ; mais dans sa conception des choses de ce monde et de l’être divin, c’était un Hellène… »

Origène partant de la fausse étymologie de <iw/ri (âme) venant de -^ùyoç (froid) croit que ^o/V) dénote un refroidissement d’un état meilleur et plus divin, la perte de la chaleur première et divine. De princ, 1 1, viii, 3, P. G., t. xi, col. 222. Pour lui, tous les esprits sont créés de toute éternité et absolument égaux en perfection. Ils ont abusé de leur liberté et cette chute devint l’occasion de la création du monde matériel. Ce monde n’est pas autre chose que le lieu de purification des esprits bannis du ciel et enfermés dans des corps d’une matière plus ou moins grossière. A la fin, tous les esprits retournent à Dieu. Quelques-uns devront encore subir dans l’autre monde une purification par le feu, mais finalement tous seront sauvés et purifiés. Alors le mal est vaincu, le monde sensible a rempli son rôle, la matière rentre dans le néant. L’unité primordiale de Dieu et de tous les êtres spirituels est restaurée. Mais cette restauration de l’état primitif n’est point la fin proprement dite du monde, elle n’est que le terme d’une époque dans l’évolution sans fin, dans la constante alternance de la chute et du retour à Dieu.

Origène est conduit par le désir de sauver la justice et la sagesse de Dieu, puisqu’il conclut : « Ainsi, ni Dieu n’est injuste, en donnant à chaque chose sa place selon ses mérites, ni les biens ou les maux de la vie ne sont distribués au hasard. » II, ix, 4, col. 231.

Il prétend expliquer ainsi certains récits bibliques, tels que la lutte de Jacob et d’Ésaii avant leur naissance, l’élection de Jérémie quand il était encore dans le sein de sa mère, et quelques autres faits semblables qui ne pourraient se justifier que par les vertus ou les fautes d’une vie antérieure.

Si Dieu a entremêlé son ouvrage de tant d’imperfections, c’est afin que les intelligences dégradées, qui ont mérité d’être attachées à un corps, trouvent l’occasion de souffrir davantage.

Faut-il étendre la pensée d’Origène jusqu’à l’âme des bêtes ? Saint Jérôme l’affirme et Justinien cite un texte favorable à cette interprétation. I, viii, 4, P. G., t. xi, col. 180. Par ailleurs, Origène semble désavouer cette opinion puisqu’il la reproche à Celse. Contra Cels., iii, 76, iv, 17 et 83, P. G., t. xi, col. 1018, 1050 et 1157.

Si Origène trouva quelques partisans comme Didyme l’Aveugle et le diacre Évagre le Pontique, et même antérieurement saint Pamphile de Césarée qui composa une Apologie d’Origène en cinq livres, dédiée aux confesseurs de la foi condamnés aux mines, par contre il sera réfuté par saint Pierre d’Alexandrie qui écrivit un ouvrage contre la préexistence de l’âme qui aurait péché avant d’être reléguée dans un corps, et dont Léonce de Hyzancc nous a conservé deux fragments (Tractatus contra Monophysitas), par saint Méthode d’Olympe, P. G., t. xviii, col. 265, surtout par saint Grégoire de Nysse, dans son dialogue sur L’âme et la résurrection, P. G., t. XXVI, col. 12-140, et le c. xxviii de son traité De hominis opi/icio, P. G., I. xi.iv, col. 230-234.

Particulièrement caractéristique est le traité intitulé : Théophraste, ou Dialogue sar l’immortalité de l’âme et la résurrection par Ênée de Gaza, disciple du philosophe néoplatonicien Iliéroclès. P. G., t.i.xxxv, col. 871-1004. L’auteur réfute la raison de justice apportée par les défenseurs de la métempsycose considérée comme un châtiment : « Quand je châtie mon fils ou mon serviteur, avant de leur inlliger une punition,