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MESSIANISME, LA LITTÉRATURE APOCRYPHE


duquel Dieu punit surtout les anges, xci, 15. Alors le premier ciel disparaîtra pour être remplacé par un nouveau qui sera sept fois plus beau. Des semaines innombrables pleines de bonté et de justice suivront, et le péché ne sera plus jamais nommé, xci, 16-17.

La conception des destins du monde et d’Israël, ainsi que celle du jugement final contenue dans cette apocalypse des dix semaines, est essentiellement la même que celle qui se trouve exprimée dans le livre des visions historiques, lxxxiii-xc.

Les derniers chapitres du livre d’Hénoch, xci-cviii, sauf l’apocalypse des dix semaines et les c. cvi-cvii qui se rapportent à Noë, contiennent des exhortations adressées à tous les hommes, quelques promesses pour les justes et surtout des malédictions pour les pécheurs. Depuis F. Martin les critiques français nomment ce morceau le Livre de l’exhortation et de la malédiction. D’ordinaire on en place la composition au premier siècle avant Jésus-Christ, surtout parce qu’on voit dans les pécheurs, que l’auteur accuse et menace, les Sadducéens. Mais J.-B. Frey, Apocryphes de l’Ancien Testament, dans Dictionnaire de la Bible, Supplément, fasc, 1-2, 1926, col. 366 sq., relève avec raison que la situation qui correspond le mieux aux traits sous lesquels les pécheurs et les justes sont décrits, est celle du règne d’Antiochus Épiphane et qu’il n’était pas besoin d’attendre les Sadducéens, pour trouver en Israël des négateurs de l’immortalité de l’âme et de la rétribution future.

Ce livre n’est pas homogène, surtout en ce qui concerne l’eschatologie. Celle-ci est d’un côté, en en, 4-cv, 2 ; cviii, transcendante et ressemble à celle du livre de la Sagesse : immédiatement après leur mort les justes seront récompensés, ciii, 13 sq. ; « les portes du ciel s’ouvriront à eux », ciii, 2 ; ils seront introduits dans la lumière, mis sur des trônes d’honneur et brilleront éternellement, cviii, 12 sq. Mais, d’après d’autres passages, tout ne semble pas se passer à la fin du monde dans l’au-delà. Après la grande injustice qui règne actuellement sur la terre et en particulier en Palestine, xci, 7 ; xcii, 2, après les dernières grandes épreuves qui consisteront entre autres dans la révolte des peuples et dans la cruauté des parents contre leurs propres enfants, xcix, 4-5, viendra le jugement final, xci, 7, attiré par les prières des justes, xciii, 5 ; les païens et les malfaiteurs y périront, xci, 9 ; xciv, 7. Les justes eux-mêmes tueront impitoyablement les pécheurs en leur tranchant la tête, xcv, 3 ; xcviii, 12. D’après d’autres passages, les pécheurs seront tourmentés ou anéantis par le feu de l’enfer, xcix, 11 ; c, 9 ; en, 1. Par suite du jugement, les justes prédomineront de nouveau, xcv, 7 ; xcvi, 1-2 ; ils seront guéris de leurs maux, xcii, 3, et verront beaucoup de jours heureux, xcvi, 8. Trois fois, xci, 10 ; xcii, 3 ; c, 5, il est dit que les justes qui sont déjà morts, ressusciteront et vivront dans la sainteté et le bonheur. Seule cette seconde eschatologie est messianique et s’accorde avec celle des parties d’Hénoch étudiées jusqu’ici.

3. Englobée dans ces textes se trouve la pièce la plus importante du livre d’Hénoch : Le Livre des paraboles, xxxvii-lxxi. Ni les idées cschatologiqucs ni les allusions historiques ne permettent de fixer avec certitude la date de ces chapitres. Presque tous les auteurs préfèrent les placer au dernier plutôt qu’à l’avantdernier siècle avant J.-C. Mais, étant admis que la mention des Parthes, lvi, 6, n’oblige pas à s’arrêter à une date postérieure n l’année 10 avant Jésus-Christ, année où pour la première fois les Parthes pénétrèrent à Jérusalem (Székely, O. Holtzmann, Pelten, Fr, Martin, Fr. Gry, Charles, Causse, Béer, Housset), on ne trouve, comme Frey l’a très bien démontré, aucune situation historique qui corresponde mieux aux don nés du livre que celle de l’insurrection machabéenne.

Le livre se compose de plusieurs documents primitifs qui, sauf les fragments dits noachites, sont difficiles à distinguer ; voir l’essai de Gry : La composition littéraire des paraboles d’Hénoch, dans le Muséon, 1908, p. 27-71. Est-il nécessaire de supposer pour les textes relatifs au Fils de l’homme des interpolations chrétiennes ? Ni la mort du Messie sur la croix, ni sa résurrection n’y sont mentionnées, et ces passages cadrent très bien avec le contexte. D’autre part, on a établi quelques rapprochements très frappants entre les évangiles et certaines phrases de ces textes des paraboles, Lagrange, p. 88 sq., Frey, col. 359. (Le P. Lagrange et partiellement Gry se montrent assez favorables à l’hypothèse d’interpolations. Il semble pourtant, suivant l’opinion de Frey, col. 360, que ces rapprochements ne sont pas tellement caractéristiques qu’ils exigent une dépendance littéraire.)

Le livre des paraboles se divise en trois discours : Chacun contient des descriptions de l’autre monde, du jugement final, du futur royaume de Dieu, qui diffèrent notablement de celles des autres morceaux du livre d’Hénoch et qui sont surtout plus parfaites. Au centre se trouve partout le Messie qui n’est pas un prince terrestre, mais un être céleste. En combinant les idées énoncées dans les trois discours, on obtient l’ensemble suivant.

L’auteur met en opposition deux mondes : le monde d’en haut avec Dieu, qui est toujours nommé le Seigneur des esprits, les anges et les saints, et le monde d’en bas avec les pécheurs qui prédominent et quelques rares justes qui souffrent. Ces justes se trouvent sous la protection céleste : les saints intercèdent pour eux auprès du Très-Haut, xxxix, 5 ; ils seront un jour sauvés et vengés par le jugement qui ne sera autre chose que la manifestation du monde d’en haut.

Parmi les saints du ciel Hénoch aperçoit, xxxviii, 6, un être tout à fait particulier qu’il désigne par différents noms, surtout par celui de Fils de l’homme et d’Élu. Comme le titre Fils de l’homme l’indique, cet être est bien un homme et non pas un ange : il ressemble à un ange, xlvi, 1. Conformément à sa nature humaine, il vit continuellement dans la communauté des saints, c’est-à-dire des défunts pieux, des patriarches et des autres justes, lxx, 4. Il n’a pas encore comme eux vécu sur la terre. Il a été créé par Dieu avant le monde, xlviii, 3, 6, et existe devant Dieu en toute éternité, xlviii, 6. Il possède la sagesse, la justice et révèle tous les secrets, xlvi, 3 ; xlix, 3. Il habite sous les ailes du Seigneur des esprits, et tous les élus brillent devant lui comme l’éclat du feu, xxxix, 7. Il est encore inconnu au monde d’en bas, seuls les justes le connaissent déjà et espèrent en lui, xlviii, 7 ; lxi, 5 ; lxii, 7.

L’apparition du Fils de l’homme entouré de la communauté des élus marquera le grand tournant dans l’histoire du monde, la fin des temps, xlv, 3 ; l-li. Il sera assis sur un trône et fera le jugement, xlv, 3 ; l, 4. A sa vue les justes se réconforteront et se réjouiront, xlv, 3 ; lxix, 26, et à travers tout l’univers retentira un hymne en l’honneur de Dieu, lxi, 9-13. Les royaumes du monde fondront à l’aspect du Fils de l’homme, lu. Les peuples l’adoreront, xlviii, 5 ; lui, 1. La somme du jugement lui sera donnée, xlix, 4 ; li, 2 ; lxii, 2 ; lxix, 27. Non seulement les anges et les hommes vivants se réuniront autour de lui, mais aussi les défunts qui ressusciteront, li, 1-2. Les mauvais anges, enchaînés jusqu’alors, seront jetés dans le feu éternel, liv, 3-6 ; lv, 4 ; lvi, 1-4 ; lxiv, 1-2. Parmi les pécheurs sont punis surtout « les rois et les puissants qui possèdent la terre », parce qu’ils n’ont pas adoré le vrai Dieu et qu’ils ont maltraité les enfants de Dieu, xlvi, 4-8 ; i.xviii, 8-10 ; lui, 5-6 ; liv, 2 ; lxii, 11 ; lxiii, 7-10,