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que sous un voile apparent de justice : on les décore même alors du titre de clémens et de justes, parce que pouvant, avec impunité, se rendre maîtres de toutes choses, il semble que l’on reçoive d’eux, comme un don, tout ce qu’ils ne veulent pas nous ravir.

Mais la nature même des choses offre à celui qui médite, une distinction plus exacte et plus précise. Puisque le nom de tyran est le plus odieux de tous les noms, on ne doit le donner qu’à ceux des princes ou des simples citoyens qui ont acquis, n’importe comment, la faculté illimitée de nuire ; et quand même ils n’en abuseraient pas, le fardeau qu’ils se sont imposé est tellement absurde et contraire à la nature, qu’on ne saurait en inspirer trop d’horreur, en leur donnant un nom si odieux et si infâme.

Le nom de roi, au contraire, étant de quelques degrés moins exécrable que celui de tyran, devrait être donné à celui qui, soumis lui-même aux lois, et beaucoup moins puissant qu’elles, n’est dans une société que le premier, le légitime et le seul exécuteur impartial des lois établies.

Si cette distinction simple et nécessaire était universellement reconnue en Europe,