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le berceau, je ne pense pas que son existence soit fort longue et, quand on l’aura détruit, plusieurs des événements qui s’y sont accomplis seront difficile à comprendre.

La salle formait un carré long d’une prodigieuse grandeur ; à un bout était adossé le bureau du président et la tribune ; neuf rangs de bancs s’élevaient en gradins le long des trois autres murs. Au milieu, en face de la tribune, s’étendait un vaste espace vide, comme l’arène d’un amphithéâtre, avec cette différence que cette arène était carrée et non point ronde ; la plupart des auditeurs ne faisaient donc qu’entrevoir de côté celui qui parlait et les seuls qui vissent celui-ci en face en étaient fort loin ; disposition singulièrement favorable à l’inattention et au désordre, car les premiers, voyant mal l’orateur et se regardant toujours les uns les autres, étaient plus occupés à se menacer et à s’apostropher qu’à écouter, et les autres n’écoutaient pas davantage, parce que, s’ils voyaient bien celui qui occupait la tribune, ils l’entendaient mal.

De grandes fenêtres, placées tout au haut de la salle, s’ouvraient directement à l’extérieur et faisaient pénétrer l’air et la lumière ; quelques drapeaux ornaient seuls les murs ; le temps avait heureusement manqué pour y joindre toutes ces plates allégories de carton et de toile dont les Français aiment à remplir leurs