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Elles veillaient sur le bien communal et en réglaient l’usage, intentaient et soutenaient au nom de la communauté les procès. Non seulement le seigneur ne dirigeait plus l’administration de toutes ces petites affaires locales, mais il ne la surveillait pas. Tous les fonctionnaires de la paroisse étaient sous le gouvernement ou sous le contrôle du pouvoir central, comme nous le montrerons dans le chapitre suivant. Bien plus, on ne voit presque plus le seigneur agir comme le représentant du roi dans la paroisse, comme l’intermédiaire entre celui-ci et les habitants. Ce n’est plus lui qui est chargé d’y appliquer les lois générales de l’État, d’y assembler les milices, d’y lever les taxes, d’y publier les mandements du prince, d’en distribuer les secours. Tous ces devoirs et tous ces droits appartiennent à d’autres. Le seigneur n’est plus en réalité qu’un habitant que des immunités et des privilèges séparent et isolent de tous les autres  ; sa condition est différente, non son pouvoir. Le seigneur n’est qu’un premier habitant, ont soin de dire les intendants dans leurs lettres à leurs subdélégués.

Si vous sortez de la paroisse et que vous considériez le canton, vous reverrez le même spectacle. Nulle part les nobles n’administrent ensemble, non plus qu’individuellement ; cela était particulier à la France. Partout ailleurs le trait caractéristique de la vieille société féodale s’était en partie conservé : la possession de la terre et le gouvernement des habitants demeuraient encore mêlés.