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L’Église de France conservait jusqu’au bout ses assemblées périodiques. Dans son sein, le pouvoir ecclésiastique lui-même avait des limites respectées. Le bas clergé y possédait des garanties sérieuses contre la tyrannie de ses supérieurs, et n’était pas préparé par l’arbitraire illimité de l’évêque à l’obéissance passive vis-à-vis du prince. Je n’entreprends point de juger cette ancienne constitution de l’Église ; je dis seulement qu’elle ne préparait point l’âme des prêtres à la servilité politique.

Beaucoup d’ecclésiastiques, d’ailleurs, étaient gentilshommes de sang, et transportaient dans l’Église la fierté et l’indocilité des gens de leur condition. Tous, de plus, avaient un rang élevé dans l’État et y possédaient des privilèges. L’usage de ces mêmes droits féodaux, si fatal à la puissance morale de l’Église, donnait à ses membres individuellement un esprit d’indépendance vis-à-vis du pouvoir civil.

Mais ce qui contribuait surtout à donner aux prêtres les idées, les besoins, les sentiments, souvent les passions du citoyen, c’était la propriété foncière. J’ai eu la patience de lire la plupart des rapports et des débats que nous ont laissés les anciens États provinciaux, et particulièrement ceux du Languedoc, où le clergé était plus mêlé encore qu’ailleurs aux détails de l’administration publique, ainsi que les procès-verbaux des assemblées provinciales qui furent réunies en 1779 et 1787  ; et, apportant dans cette lecture les idées de mon temps, je m’étonnais de voir des évêques et des abbés, parmi