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SUR LES MOEURS PROPREMENT DITES.

mais ce ne sont pas toujours les mêmes individus, ni surtout les mêmes familles qui les composent ; et il n’y a pas plus de perpétuité dans le commandement que dans l’obéissance.

Les serviteurs ne formant point un peuple à part, ils n’ont point d’usages, de préjugés ni de mœurs qui leur soient propres ; on ne remarque pas parmi eux un certain tour d’esprit, ni une façon particulière de sentir. Ils ne connaissent ni vices ni vertus d’état, mais ils partagent les lumières, les idées, les sentiments, les vertus et les vices de leurs contemporains ; et ils sont honnêtes ou fripons de la même manière que les maîtres.

Les conditions ne sont pas moins égales parmi les serviteurs que parmi les maîtres.

Comme on ne trouve point, dans la classe des serviteurs, de rangs marqués ni de hiérarchie permanente, il ne faut pas s’attendre à y rencontrer la bassesse et la grandeur qui se font voir dans les aristocraties de valets aussi bien que dans toutes les autres.

Je n’ai jamais vu aux États-Unis, rien qui pût me rappeler l’idée du serviteur d’élite, dont en Europe nous avons conservé le souvenir ; mais je n’y ai point trouvé non plus l’idée du laquais. La trace de l’un comme de l’autre y est perdue.

Dans les démocraties les serviteurs ne sont pas seulement égaux entre eux ; on peut dire