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INFLUENCE DES IDÉES DÉMOCRATIQUES

que les Américains ne connaissent point. On dirait que chaque pas qu’elles font vers l’égalité les rapproche du despotisme.

Il suffit de jeter les yeux autour de nous et sur nous-mêmes pour s’en convaincre.

Durant les siècles aristocratiques qui ont précédé le nôtre, les souverains de l’Europe avaient été privés ou s’étaient dessaisis de plusieurs des droits inhérents à leur pouvoir. Il n’y a pas encore cent ans que, chez la plupart des nations européennes, il se rencontrait des particuliers ou des corps presque indépendants qui administraient la justice, levaient et entretenaient des soldats, percevaient des impôts, et souvent même faisaient ou expliquaient la loi. l’État a partout repris pour lui seul ces attributs naturels de la puissance souveraine ; dans tout ce qui a rapport au gouvernement, il ne souffre plus d’intermédiaire entre lui et les citoyens, et il les dirige par lui-même dans les affaires générales. Je suis bien loin de blâmer cette concentration des pouvoirs ; je me borne à la montrer.

A la même époque il existait en Europe un grand nombre de pouvoirs secondaires qui représentaient des intérêts locaux et administraient les affaires locales. La plupart de ces autorités locales ont déjà disparu ; toutes tendent rapidement à disparaître ou à tomber dans la complète dé-