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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

posé bizarre des notions particulières de la nation, et des notions plus particulières encore de la caste, s’éloignera, autant qu’on puisse l’imaginer, des simples et générales opinions des hommes. Nous avons atteint le point extrême, redescendons.

Les rangs se mêlent, les privilèges sont abolis. Les hommes qui composent la nation étant redevenus semblables et égaux, leurs intérêts et leurs besoins se confondent, et l’on voit s’évanouir successivement toutes les notions singulières que chaque caste appelait l’honneur ; l’honneur ne découle plus que des besoins particuliers de la nation elle-même ; il représente son individualité parmi les peuples.

S’il était permis enfin de supposer que toutes les races se confondissent, et que tous les peuples du monde en vinssent à ce point d’avoir les mêmes intérêts, les mêmes besoins, et de ne plus se distinguer les uns des autres par aucun trait caractéristique, on cesserait entièrement d’attribuer une valeur conventionnelle aux actions humaines ; tous les envisageraient sous le même jour ; les besoins généraux de l’humanité, que la conscience révèle à chaque homme, seraient la commune mesure. Alors, on ne rencontrerait plus dans ce monde que les simples et générales notions du bien et du mal, auxquelles