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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

leur laisse de se montrer futiles, faibles et craintives. Les Américaines ne réclament point de semblables droits.

On dirait, d’une autre part, qu’en fait de mœurs, nous ayons accordé à l’homme une sorte d’immunité singulière ; de telle sorte qu’il y ait comme une vertu à son usage, et une autre à celui de sa compagne ; et que, suivant l’opinion publique, le même acte puisse être alternativement un crime ou seulement une faute.

Les Américains ne connaissent point cet inique partage des devoirs et des droits. Chez eux, le séducteur est aussi déshonoré que sa victime.

Il est vrai que les Américains témoignent rarement aux femmes ces égards empressés dont on se plaît à les environner en Europe ; mais ils montrent toujours, par leur conduite, qu’ils les supposent vertueuses et délicates ; et ils ont un si grand respect pour leur liberté morale, qu’en leur présence chacun veille avec soin sur ses discours, de peur qu’elles ne soient forcées d’entendre un langage qui les blesse. En Amérique, une jeune fille entreprend, seule et sans crainte, un long voyage.

Les législateurs des États-Unis, qui ont adouci presque toutes les dispositions du Code pénal, punissent de mort le viol ; et il n’est point de crimes que l’opinion publique poursuive avec une