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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

teurs intéressés du génie scientifique ira s’accroissant, et plus les découvertes immédiatement applicables à l’industrie donneront de profit, de gloire, et même de puissance à leurs auteurs ; car, dans les démocraties, la classe qui travaille prend part aux affaires publiques, et ceux qui la servent ont à attendre d’elle des honneurs aussi bien que de l’argent.

On peut aisément concevoir que, dans une société organisée de cette manière, l’esprit humain soit insensiblement conduit à négliger la théorie, et qu’il doit au contraire, se sentir poussé avec une énergie sans pareille vers l’application, ou tout au moins vers cette portion de la théorie qui est nécessaire à ceux qui appliquent.

En vain un penchant instinctif l’élève-t-il vers les plus hautes sphères de l’intelligence, l’intérêt le ramène vers les moyennes. C’est là qu’il déploie sa force et son inquiète activité, et enfante des merveilles. Ces mêmes Américains, qui n’ont pas découvert une seule des lois générales de la mécanique, ont introduit dans la navigation une machine nouvelle qui change la face du monde.

Certes, je suis loin de prétendre que les peuples démocratiques de nos jours soient destinés à voir éteindre les lumières transcendantes de l’esprit humain, ni même qu’il ne doive pas s’en allumer de nouvelles dans leur sein. À l’âge du monde où