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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

tentif fait découvrir qu’il n’y a là rien de contradictoire.

Les hommes qui vivent dans les pays démocratiques sont fort avides d’idées générales parce qu’ils ont peu de loisirs et que ces idées les dispensent de perdre leur temps à examiner les cas particuliers ; cela est vrai, mais ne doit s’entendre que des matières qui ne sont pas l’objet habituel et nécessaire de leurs pensées. Des commerçants saisiront avec empressement et sans y regarder de fort près toutes les idées générales qu’on leur présentera relativement à la philosophie, à la politique, aux sciences et aux arts ; mais ils ne recevront qu’après examen celles qui auront trait au commerce et ne les admettront que sous réserve.

La même chose arrive aux hommes d’état, quand il s’agit d’idées générales relatives à la politique.

Lors donc qu’il y a un sujet sur lequel il est particulièrement dangereux que les peuples démocratiques se livrent aveuglément et outre mesure aux idées générales, le meilleur correctif qu’on puisse employer, c’est de faire qu’ils s’en occupent tous les jours et d’une manière pratique ; il faudra bien alors qu’ils entrent forcément dans les détails, et les détails leur feront apercevoir les côtés faibles de la théorie.