Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 3.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

l’envie et la capacité de le faire. En vain leur laisserez-vous l’entière liberté de s’occuper en commun de leur négoce : ils n’useront que nonchalamment des droits qu’on leur accorde ; et, après vous être épuisés en efforts pour les écarter des associations défendues, vous serez surpris de ne pouvoir leur persuader de former les associations permises.

Je ne dis point qu’il ne puisse pas y avoir d’associations civiles dans un pays où l’association politique est interdite ; car les hommes ne sauraient jamais vivre en société sans se livrer à quelque entreprise commune. Mais je soutiens que, dans un semblable pays, les associations civiles seront toujours en très-petit nombre, faiblement conçues, inhabilement conduites, et qu’elles n’embrasseront jamais de vastes desseins, ou échoueront en voulant les exécuter.

Ceci nie conduit naturellement à penser que la liberté d’association en matière politique n’est point aussi dangereuse pour la tranquillité publique qu’on le suppose, et qu’il pourrait se faire qu’après avoir quelque temps ébranlé l’État, elle l’affermisse.

Dans les pays démocratiques, les associations politiques forment pour ainsi dire les seuls particuliers puissants qui aspirent à régler l’État. Aussi les gouvernements de nos jours considèrent-