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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

faires dans le sein d’une assemblée démocratique. Comme il n’y a jamais de classe qui y ait ses représentants chargés de soutenir ses intérêts, c’est toujours à la nation tout entière, et au nom de la nation tout entière que l’on parle. Cela agrandit la pensée et relève le langage.

Comme les précédents y ont peu d’empire ; qu’il n’y a plus de privilèges attachés à certains biens, ni de droits inhérents à certains corps ou à certains hommes, l’esprit est obligé de remonter jusqu’à des variétés générales puisées dans la nature humaine pour traiter l’affaire particulière qui l’occupe. De là naît dans les discussions politiques d’un peuple démocratique, quelque petit qu’il soit, un caractère de généralité qui les rend souvent attachantes pour le genre humain. Tous les hommes s’y intéressent parce qu’il s’agit de l’homme qui est partout le même.

Chez les plus grands peuples aristocratiques, au contraire, les questions les plus générales sont presque toujours traitées par quelques raisons particulières tirées des usages d’une époque ou des droits d’une classe ; ce qui n’intéresse que la classe dont il est question, ou tout au plus le peuple dans le sein duquel cette classe se trouve.

C’est à cette cause autant qu’à la grandeur de la nation française, et aux dispositions favorables