Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 3.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

avec eux, partout où ils sont parvenus, les expressions et les termes dont ils avaient l’usage, l’origine des mots s’est perdue comme celle des hommes, et il s’est fait une confusion dans le langage comme dans la société.

Je sais que dans la classification des mots il se rencontre des règles qui ne tiennent pas à une forme de société plutôt qu’à une autre, mais qui dérivent de la nature même des choses. Il y a des expressions et des tours qui sont vulgaires parce que les sentiments qu’ils doivent exprimer sont réellement bas, et d’autres qui sont relevés parce que les objets qu’ils veulent peindre sont naturellement fort hauts.

Les rangs, en se mêlant, ne feront jamais disparaître ces différences. Mais l’égalité ne peut manquer de détruire ce qui est purement conventionnel et arbitraire dans les formes de la pensée. Je ne sais même si la classification nécessaire, que j’indiquais plus haut, ne sera pas toujours moins respectée chez un peuple démocratique que chez un autre ; parce que, chez un pareil peuple, il ne se trouve point d’hommes que leur éducation, leurs lumières et leurs loisirs disposent d’une manière permanente à étudier les lois naturelles du langage et qui les fassent respecter en les observant eux-mêmes.

Je ne veux point abandonner ce sujet sans