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DU GOUVERNEMENT DE LA DÉMOCRATIE.

ner me semble utile et raisonnable, je suis obligé de reconnaître qu’elle est dispendieuse.

Je vois le pauvre qui dirige les affaires publiques et dispose des ressources nationales ; et je ne saurais croire que, profitant des dépenses de l’État, il n’entraîne pas souvent l’État dans de nouvelles dépenses.

Je conclus donc, sans avoir recours à des chiffres incomplets, et sans vouloir établir des comparaisons hasardées, que le gouvernement démocratique des Américains n’est pas, comme on le prétend quelquefois, un gouvernement à bon marché ; et je ne crains pas de prédire que, si de grands embarras venaient un jour assaillir les peuples des États-Unis, on verrait chez eux les impôts s’élever aussi haut que dans la plupart des aristocraties ou des monarchies de l’Europe.



DE LA CORRUPTION ET DES VICES DES GOUVERNANTS DANS

LA DÉMOCRATIE ; DES EFFETS QUI EN RÉSULTENT SUR LA

MORALITÉ PUBLIQUE.

Dans les aristocraties, les gouvernants cherchent quelquefois à corrompre. — Souvent, dans les démocraties, ils se montrent eux-mêmes corrompus. — Dans les premières, les vices attaquent directement la moralité du peuple. — Ils exercent sur lui, dans les secondes, une influence indirecte qui est plus redoutable encore.


L’aristocratie et la démocratie se renvoient mutuellement le reproche de faciliter la corruption ; il faut distinguer :

Dans les gouvernements aristocratiques, les hommes qui arrivent aux affaires sont des gens riches qui ne désirent que du pouvoir. Dans les démocra-