Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

conversations particulières, le but de toutes les démarches, l’objet de toutes les pensées, le seul intérêt du présent.

Aussitôt, il est vrai, que la fortune a prononcé, cette ardeur se dissipe, tout se calme, et le fleuve, un moment débordé, rentre paisiblement dans son lit. Mais ne doit-on pas s’étonner que l’orage ait pu naître ?



DE LA RÉÉLECTION DU PRÉSIDENT.


Quand le chef du pouvoir exécutif est rééligible, c’est l’État lui-même qui intrigue et corrompt. — Désir d’être réélu qui domine toutes les pensées du président des États-Unis. — Inconvénient de la réélection spécial à l’Amérique. — Le vice naturel des démocraties est l’asservissement graduel de tous les pouvoirs aux moindres désirs de la majorité. — La réélection du président favorise ce vice.

Les législateurs des États-Unis ont-ils eu tort ou raison de permettre la réélection du président ?

Empêcher que le chef du pouvoir exécutif ne puisse être réélu, paraît, au premier abord, contraire à la raison. On sait quelle influence les talents ou le caractère d’un seul homme exercent sur la destinée de tout un peuple, surtout dans les circonstances difficiles et en temps de crise. Les lois qui défendraient aux citoyens de réélire leur premier magistrat leur ôteraient le meilleur moyen de faire prospérer l’État ou de le sauver. On arriverait d’ailleurs ainsi à ce résultat bizarre, qu’un homme serait exclu du gouvernement au moment même où il aurait achevé de prouver qu’il était capable de bien gouverner.