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de terreur, fantôme de l’enfer[1], si tu ne veux que je change tes épaules en kobsa, et que tes cheveux se hérissent sous mes doigts. Allons, toi, le Fer-Rouge, toi le Long-Jubé[2], appuie ferme avec l’archet, car je possède à ton intention une grosse massue là-bas contre la haie, et beaucoup de pièces de monnaie dans la bourse pendue à ma ceinture.

En avant, ferme, ainsi toujours jusqu’au soir, car ma bien-aimée, Marie Marioutza, est belle comme un beau jour de printemps ; ferme, mes amis, dansez bravement, toujours ainsi : ne me faites pas rougir pour vous, car la jolie petite bouche qui me sourit avec amour m’a mis le diable au corps.

J’ai orné mon chapeau de fleurs, je l’ai orné de fleurs et de perles, afin que ma bien-aimée me regarde avec orgueil ; ma chemise est brodée d’or et de soie ; mon fusil est là sur mon épaule, ma mie est ici près de moi, nargue des soucis et des craintes !

Je ne redoute plus rien au monde, ni le vornik[3], ni le Diable, ni même Satan, le père des esprits infernaux… ......
.... Amis, faites comme moi, dansons ferme. Frappons ensemble le sol en cadence ; faisons-le retentir jusque dans ses profondeurs pour étonner le monde entier, et jusqu’à Dieu, le saint Seigneur.

Je suis las des lourdes contributions, et de la charrue, et de la pelle, et des Ciokoï, et des corvées sans nom-

  1. Sobriquets donnés par le peuple aux Tzigani ; en général, les musiciens lautari sont Tzigains.
  2. Les lautari portent le fez grec sur la tête et sont couverts d’une longue robe appelée jubé.
  3. Paysan élu par le village pour prélever les contributions.