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bien des malheureux et plus de mille nobles Maghiars !

Le prince romain est parti pour retourner dans ses États ; les esclaves, obligés de suivre leurs maîtres, ont quitté leur pays en pleurant, et la jeune Maghiare est restée seule, triste, les larmes aux yeux et le regret dans l’âme.

Voici trois jours qu’elle gémit constamment ; trois jours qu’elle regarde fixement sur la route ; mais elle n’aperçoit rien, hélas ! et le bien-aimé qu’elle attend n’apparaît pas !

Où donc est ton amant ? dans quels chemins s’est-il égaré ? Où peut-il être, grand Dieu ! qu’il tarde ainsi depuis trois jours à accourir auprès de toi, charmante fille ?… Ah ! qui pourra dire où il se trouve, qui le pourra ?

Hélas ! comme toi il verse des larmes amères, des larmes de regret, au delà de la frontière ; comme toi, il soupire, le cœur dévoré de tourments et d’amour, non loin d’ici, dans le pays voisin.

Or, si tu veux le voir encore, il faut courir par delà les grandes montagnes, dans la terre du bison[1], là où gémissent au sein de l’esclavage bien des malheureux et plus de mille nobles Maghiars !

Par delà les montagnes, par delà les forêts, par delà les fleuves profonds, dans cette contrée où les fleurs sont si brillantes, où les jeunes filles sont si belles, où les Doïnas sont si touchantes !

Il faut aller du côté du soleil levant, dans ce pays qui n’a jamais été soumis par les armes, là où les glaives sont implacables, où il croît des forêts de chênes sur les montagnes, là enfin où il naît des vaillants d’élite !…

  1. La Moldavie ; les armes de ce pays sont représentés par la tête d’un bison.