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Zamfira, triste et pensive, sortait de sa tente et fixait des regards humides de larmes sur la lune qui répandait sa blanche lumière sur le front de la jeune fille.

Depuis que la charmante enfant souriait dans le monde comme la fleur des champs, le soleil seul avait déposé des baisers sur son sein vierge et sur ses yeux brillants.

Ses cheveux, noirs comme une nuée d’orage, tombaient jusqu’à ses pieds le long de son beau corps, et souvent la jolie fille se cachait dans ses cheveux pour se mettre à l’abri du soleil.

Mais surtout quand elle portait sur sa tête une kofitza[1] pleine d’eau fraîche destinée à ses frères ; quand sa petite bouche devenait humide, et que la fleur placée sur son sein était voluptueusement soulevée par les mouvements onduleux de sa poitrine…

Oh ! alors tous les passants qui la rencontraient éprouvaient tout à coup une soif ardente ; ils lui demandaient un peu d’eau et en buvaient longtemps en regardant la jeune fille ; puis ils s’en allaient en soupirant sous l’influence d’un vague désir.

Elle chantait gaiement comme l’alouette qui s’élève joyeusement dans l’air pendant l’été, et à sa voix la campagne résonnait doucement : on aurait cru entendre le vol d’un esprit mystérieux.

Souvent les vieillards, assis en rond autour du feu sous la tente, se plaisaient à écouter ses chants ; souvent aussi ils consultaient les sorts pendant la nuit aux lueurs de la lune, et prédisaient de belles destinées à la jeune fille.

  1. Kofitza est une espèce de broc en bois.