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yeux ressemblent à la mûre de nos montagnes ; toi, charmante fleur de muguet…

« Toi, mourir, ô douce merveille de mon pays !… Mais ne crains-tu pas le Seigneur Dieu ?… Allons, ma chère et jolie sœur, fais trois fois le signe de la croix, et adresse-lui une courte prière pour implorer son pardon.

« Maintenant, si tu veux que tes yeux étincellent comme un paradis plein de joies divines ; si tu veux que ton cœur s’anime et s’ouvre comme la fleur des champs ;

« Viens avec moi au sein de la verte forêt, viens entendre la doïna du regret quand mes braves compagnons descendent dans la vallée par les sentiers perdus ;

« Viens voir l’oiseau de proie s’élancer du haut des rochers sur le corbeau qui croasse au fond du précipice ;

« Viens voir surtout comment le Ciocoï se plie en deux quand il m’aperçoit, et comment il oublie son arrogance pour tomber humblement à mes genoux.

« J’ai deux coursiers, deux dragons rapides… deux !… Même le vent ne peut les dépasser ; j’ai douze compagnons d’armes, et quatre pistolets à ma ceinture.

« Je porte sur ma poitrine une petite croix qui contient du bois de la sainte croix et de saintes reliques ; et, dans ma poitrine, je porte un cœur brûlant comme tes lèvres brûlantes.

« Je possède une pierre précieuse qui reluit pendant la nuit, de même que tes yeux quand ils guettent le bonheur éloigné.