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le stolnic Pierre ? N’est-ce pas vous qui m’avez choisi pour me porter au trône ? Et qu’avez-vous à reprocher à mon administration ? Quel sang ai-je versé ? Qui jamais a quitté ma maison sans avoir obtenu justice et consolation ou un adoucissement à ses peines ? Et maintenant, vous ne me voulez pas, vous ne m’aimez pas ! Ha ! ha ! ha ! »

Lapuchneano éclata de rire ; mais ce rire forcé et strident déguisait mal la fureur qui contractait les muscles de son visage et faisait étinceler ses yeux.

« Nous voyons bien, monseigneur, dit Stroïtsch, que les païens vont fouler de nouveau le sol de la patrie. Quand cette nuée de Turcs aura ravagé et dévasté le pays, sur quoi régnerez-vous ?

— Et avec quoi assouvirez-vous l’avidité insatiable de ces hordes de barbares que vous traînez à votre suite ? ajouta Spanciok.

— Avec vos biens à tous et non avec l’argent des paysans que vous dépouillez impitoyablement. Vous trayez le lait de la patrie ; à mon tour maintenant de vous traire. Assez, boyards ! retournez chez celui qui vous a envoyés, et dites-lui de ma part qu’il prenne bien garde de tomber entre mes mains, s’il ne veut pas que de ses os je fasse des flûtes, et que je ne recouvre mes tambours de sa peau. »

Trois des députés sortirent de la tente, le cœur navré de douleur. Motzok seul resta.

« Que me veux-tu ? lui demanda Lapuchneano. »

Motzok se prosterna à ses pieds.

« Seigneur ! seigneur ! s’écria-t-il, ne nous punissez pas dans la mesure de nos forfaits ! Songez que vous êtes Moldave ; rappelez-vous le précepte de l’Écriture,