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— Si vous ne me voulez pas, moi je vous veux, interrompit Lapuchneano dont les regards étincelaient de colère, et si vous ne m’aimez pas, moi je vous aime. Avec ou sans votre volonté, j’avancerai. Que je recule, moi ! Ordonnez donc au Danube de remonter son cours. Le peuple ne me veut pas, dites-vous ? Vous mentez. C’est vous, vous seuls qui ne me voulez point ; je comprends.

On ne tranche pas la tête à un envoyé[1], répliqua Spanciok ; notre devoir était de vous dire la vérité, et nous vous la disons. Les boyards sont tous résolus à chercher un asile chez les Hongrois, les Polonais et les Munteni avec lesquels ils sont unis par des liens de parenté et d’amitié. Ils reviendront bientôt après avec des troupes étrangères ; malheur alors au pays que Votre Altesse aura livré aux horreurs de la guerre civile ! Malheur aussi peut-être à Votre Altesse elle-même ! Ce qui pourrait lui arriver, Dieu seul le sait : le prince Stefan Tomche…

— Tomche ! c’est ce misérable sans doute qui t’a appris à parler avec tant d’audace ! Je ne sais qui m’arrête que je ne te brise la tête avec cette massue, s’écria Lapuchneano en arrachant des mains de Bogdan une massue de fer.

— Celui à qui Dieu a fait la grâce de l’appeler son élu, répliqua Veveritze, ne peut être nommé misérable.

— Mais ne suis-je pas aussi l’élu de Dieu ? Ne m’avez-vous pas juré aussi foi et fidélité alors que je n’étais encore qu’un simple particulier, que je ne m’appelais que

  1. Proverbe moldave.