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DONATELLO.

Ce pourpoint uni d’un drap grossier, ce chaperon dépourvu de luxe et de recherche conviennent admirablement à un homme qui produit, qui tire de lui-même de pareilles richesses. Qu’a besoin d’étoffes précieuses et de joyaux celui qui peut inventer les joyaux les plus splendides et toutes les beautés humaines et surhumaines ? Aussi Donatello porte-t-il le costume qu’il faut, a-t-il la physionomie fruste qu’il faut. Tout cela est à l’unisson de son détachement superbe. Car, bien que nous venions de le voir « intéressé », discutant des prix avec des cordonniers, et exigeant un riche dîner (un riche dîner, lui qui les laisse tomber à terre !), c’est l’homme qui tient le moins aux biens de fortune.

Bien avant les théories, l’on pourrait dire qu’il a même fait du socialisme en action. Un trait charmant donnait dans Vasari. La magie de style et l’autorité de pensée d’Anatole France l’a fait revivre et mis en relief comme il convenait. Il s’agit de la façon dont le maître « plaçait » son argent. Donatello, qui avait pour amis les Médicis, les banquiers les plus puissants et les plus célèbres de l’univers, aurait pu leur confier, pour les faire fructifier, les sommes que lui rapportaient ses œuvres. Il se contentait de les déposer dans un panier suspendu au plafond de son atelier. Quand un ami en avait besoin, ou quand les élèves en requéraient pour les frais de la maison ou les dépenses des repas communs, on n’avait qu’à faire manœuvrer la corde et la poulie, suivant la nécessité, et sans même prévenir le patron.