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lisière des provinces limitrophes1 ; par suite, sa présence dans le Régime du Corps confirme tout à fait l'identification que j'ai proposée entre notre auteur et le médecin de Troyes Aldobrandinus de Senis. Il ne faut donc pas conclure des par- ticularités dialectales du ms. A au caractère propre de la langue française telle qu'a dû la connaître et l'écrire Alde- brandin de Sienne. Mais laissons-là ces questions délicates de dialectologie française. On peut se demander, d'autre part, si notre auteur, en écrivant en français, n'a jamais laissé transparaître son origine italienne. Cela lui est arrivé, quoique bien rarement. Dans son vocabulaire, je relève canamiel « canne à sucre» (p. 159) et segine « sorgho » (p. 114) : ce sont certainement deux italianismes. On trouve, il est vrai, déjà en bas latin, chez les écrivains médicaux, cannamellis et cannamella2; mais sagina est spécialement toscan; dans la Vénétie, cette plante s'appelle sorgo, et dans la Lombardie, melega. Je remarque enfin chez Aldebrandin une locution conjonctive que je ne me rappelle pas avoir jamais rencontrée dans les textes en ancien français qui me sont passés sous les yeux: je veux parler de aviegne que au sens de « quoique» (pp. 14, 16, 31, 35, etc.). C'est une simple transcription de la locution ita- lienne bien connue avvegna chè. Ces coups de sonde linguistiques suffisent à donner une idée de l'intérêt multiple qui s'attache à la connaissance du texte français si heureusement remis en lumière par MM. Landouzy et Pépin. Je n'abuserai pas de la patience du lecteur en insistant davantage sur ce sujet un peu trop spé- cial. En dehors même de ces particularités, le Régime du Corps pourra être utilement dépouillé en vue de l'histoire de la langue française dans ses éléments les plus généraux. N'est-il 1. Cf.Romania, XXXIX, 206-7, d'après l'Atlas linguistique de MM. Gilliéron et Edmont, carte 921 (nombril). 2. Voir le Glossarium de Du Cange.