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UNE EXPÉRIENCE.

rien commencer, de demander la permission et des conseils à maman, répondit prudemment Meg.

— C’est naturellement ce que je ferai ; je ne suis pas folle ! »

Et Jo s’en alla, avec un mouvement d’impatience, dans la chambre de sa mère.

« Achetez tout ce que vous voudrez et ne me dérangez pas, répondit Mme Marsch ; je dînerai dehors et ne peux pas aujourd’hui m’occuper de tous ces détails de cuisine. Je prendrai des vacances toute la journée ; je lirai, j’écrirai et je ferai des visites. »

Le spectacle extraordinaire de sa mère étendue dans un fauteuil et lisant tranquillement le matin, ce qui ne lui arrivait jamais, fit à Jo l’effet d’un phénomène ; une éclipse, un tremblement de terre ou une éruption de volcan lui auraient à peine semblé plus étranges.

« Ce qui est sûr, se dit-elle en descendant l’escalier, c’est que personne n’est ici dans son état ordinaire. Bon ! voilà Beth qui pleure. C’est un signe certain que quelque chose va mal de son côté. Si Amy est taquine, je vais la remettre à la raison. »

Et Jo, qui elle-même n’était pas dans son humeur habituelle, se précipita dans le parloir, où elle aperçut Beth sanglotant sur son petit oiseau Pip, qu’elle venait de trouver mort dans sa cage, ses petites pattes étendues pathétiquement comme s’il eût imploré la nourriture qui lui avait manqué.

« C’est ma faute, je l’ai oublié ; il ne lui reste pas une seule goutte d’eau ni un seul grain de millet ! Oh ! Pip, Pip, comment ai-je pu être si cruelle pour vous ? » s’écriait Beth en pleurant et prenant la pauvre petite bête dans ses mains pour essayer de la ranimer.

Jo regarda l’œil à moitié fermé du petit serin, toucha sa petite poitrine, et, le trouvant raide et froid, secoua