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Le Devoir du Fils



I

Gilbert, en passant devant le grand salon, eut un arrêt brusque qui immobilisa, derrière lui, le domestique chargé des valises. Les portes, ouvertes à deux battants, laissaient voir, jusqu’à l’ancien cabinet de travail de Me Daunoy, l’enfilade des pièces, meublées avec un luxe grave. Le jeune homme, d’un lent regard d’adieu, fit le tour de l’appartement où il avait habité vingt années, et où son père était mort.

Pour la dernière fois, il apercevait les choses dans leur ordonnance coutumière. Mais, déjà, le désordre qui suit une réunion nombreuse, l’abondance des fleurs, des colifichets épars, troublaient l’aspect familier, et rappelaient à Gilbert, plutôt que les intimités d’autrefois, la cérémonie de ce jour, et le fait accompli, irrévocable.

Sa mère ne portait plus le même nom que lui ; quelques heures auparavant, la veuve de Maurice Daunoy, l’éminent avocat, était devenue Mme Prosper Lazareille.

Le sentiment poignant des habitudes rompues, du passé aboli, de la scission irréparable, revint glacer le jeune homme. Comme il se détournait, il rencontra les yeux du valet de chambre, attachés sur lui avec commisération. Gilbert avait soutenu héroïquement, jusqu’ici, la curiosité sournoise des uns, les consolations irritantes des autres, mais il faillit faiblir sous la pitié de ce vieil homme qui