Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pourtant explicable, d’après lequel, les émotions faisant preuve, le culte fait être le Dieu. Imaginer donc, et préparer d’autres fêtes. Il est effrayant de penser que la masse ne connaît pas d’autre mystique agissante que la militaire. Car le beau est souverain sur tous, et ainsi notre laide industrie est bien plus nuisible qu’on ne croit.

Pour ce qui est maintenant de ces guerres toujours annoncées, toujours préparées, et de ces mauvais prophètes auxquels l’événement donne enfin raison, dites-vous d’abord qu’autant qu’ils persuadent, l’événement arrive, puisqu’il arrive par les hommes. Et surtout comprenez pourquoi tous ceux qui aiment le pouvoir aiment la guerre au fond d’eux-mêmes, et ainsi, sans se l’avouer toujours, mettent toutes leurs espérances dans le Grand Jeu traditionnel, où en effet les Conseils de Guerre et les Conseils de Paix vont à la même fin ; et que, par la négligence des citoyens, ce sont toujours des hommes de cette espèce qui dirigent les choses humaines, qui les expliquent, qui les annoncent. Que les chefs de guerre vont à la guerre en espérance, non pas seulement parce que la menace de guerre leur donne puissance, mais aussi parce que la guerre même les fait rois, sans contrepoids, contre un risque acceptable, et d’autant moindre qu’ils sont plus avancés en âge et en grade. Par ces vues apparaissent les remèdes, à la portée de chacun ; car il suffit de se refuser à croire. Encore une fois, dire non.