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pas qu’en décidant, préparant ou acceptant une guerre, tu décides, tu prépares ou tu acceptes quelque chose d’absolument laid, et qui te ferait horreur. Si cette chose peut toujours être évitée, je ne sais ; ce monde immense, ces races, ces passions, ces intérêts, l’ambition des politiques et surtout leur aveuglement, tout cela forme une masse trop lourde pour ma plume. Mais j’ai le droit de vouloir que tu regardes à tes pieds, et non en l’air ; en l’air sont les phrases et les drapeaux et les consolations ; à tes pieds, l’esclavage, la boue et le sang. Il n’y aurait plus du tout d’espérance si les Politiques parlaient seuls, eux qui fardent si bien la gloire, jusqu’à lui faire, en vérité, un visage presque supportable. Je trouve beau que les jeunes disent comme le Stoïcien : « Cela ne fait pas de mal. » Mais ce jeu ne me convient pas à moi, qui n’ai plus l’âge d’y aller. Il est beau que les enfants aient pitié des parents. Mais je ne puis avoir pitié du roi ; je n’en ai pas le droit ; dès qu’il décide, il faut qu’il sache ; faible chance pour la paix, mais non pas nulle.