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supposent intrépidement selon quelque sentiment fort, qui, à ce que je crois, concerne la Guerre elle-même, considérée hors des circonstances historiques. Or c’est là, il me semble, que chacun peut utilement regarder ; car si, dans l’Événement, tout est caché, sans aucun espoir de retrouver jamais l’instant passé tel qu’il fut, au contraire l’Institution nous est présente en ses détails, en ses mouvements, en ses effets, par d’innombrables souvenirs et témoignages, dont la concordance fait paraître enfin une sorte de Fait qui, bien loin de se dérober au regard, se montre partout au contraire dès qu’on le cherche, et même là où l’on ne l’attendrait point. Sans se demander donc si l’on aurait pu y échapper, si on pourra y échapper, ni même par quels moyens on pourrait y échapper, d’abord essayer de se dire à soi-même ce que c’est ; simplement ce que c’est ; le fait nu, sans aucun vêtement. Tâche pénible, et qui, comme j’ai observé, conduit d’abord à une sorte d’horreur, sans aucun effet concevable. Mais cette horreur ne peut aller sans un grand repentir, à l’égard des mille approbations, chacune de petite importance, auxquelles vos serments ne vous obligeaient point. Là se trouve le germe de la vraie Résistance, qui est d’Esprit. Et si vous doutez qu’elle suffise, observez le visage du Tyran, grand ou petit, pendant qu’il lira ces lignes.