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La guerre montre un autre visage » dès que l’on veut bien la regarder. Ici celui qui détourne de la violence est dit lâche et traître. Ici la colère est préparée de loin ; les hommes sont « fanatisés » comme on osa dire ; disons mieux, disons qu’ils sont enivrés par système, et dans tous les sens du mot. Par l’ordre visible, par la musique, par les discours, l’excès de la violence est relevé jusqu’au niveau de la beauté. Les poètes et les penseurs, presque tous, y ajoutent leurs rythmes, leurs preuves, leurs systèmes. L’Amour sourit. La honte, le mépris, les pierres vont à celui qui résiste ou seulement discute. Enfin une contrainte impitoyable s’exerce dans la préparation et dans la conduite de la guerre, avec des sanctions immédiates terribles, et des sanctions d’opinion pires encore, puisque la mort n’efface point la honte. Sur quoi l’on peut soutenir que la guerre est humaine et surhumaine, divine réellement par ces caractères ; cela aussi est à examiner. Toujours est-il que la guerre ne ressemble point du tout à ces mouvements vifs auxquels nous sommes tous sujets ; et c’est ce que je voulais montrer. Débrouillez bien tout cela, mes amis, et ne vous reposez pas sur de confuses déclarations. L’Esprit de guerre est plus fort que nos désirs ; c’est par la tête qu’il nous tient.