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dans les rêves, enfin dans tous les changements du corps ; mais les passions n’en couraient que mieux, non que le culte manquât toujours de décence, mais surtout parce que la théologie était d’imagination seulement ; ainsi le dieu gâtait l’œuvre du prêtre. Au lieu que tout l’effort de l’église est contre les miracles, quoiqu’elle ne les nie pas ; il est toujours assez clair qu’elle s’en défie pour le présent, assez forte de ses cérémonies. Tenir une réunion d’hommes qui ne cassent rien, c’est déjà assez beau.

CHAPITRE V

DE L’ARCHITECTURE

Chacun sait bien qu’il y a des sièges où l’on est impatient et déjà debout, d’autres où l’on est paresseux, d’autres pour le calme et le travail ; et nos habitudes dépendent plus des choses que de nous, car c’est le manche de l’outil qui dispose le bras. Il faut compter aussi avec la pensée, toujours réglée sur des objets, à ce point que le mathématicien ne peut rien sans équations. Et dire que les objets nous suggèrent nos pensées c’est trop peu dire, car nos objets sont nos pensées. Mais les objets de main d’homme, surtout, tirent souvent notre pensée du chaos, par l’ordre, la symétrie, la ressemblance variée et la répétition ; ainsi la pensée est ramenée à sa fonction propre, qui est de reconnaître et de compter. L’artiste nous dessine une autre nature, où la puissance de l’homme est clairement figurée. Aussi je ne dirais point qu’une cathédrale veut nous parler de Dieu. J’y vois plutôt un effort contre les dieux païens,