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voilà le ressort humain. La connaissance de l’homme va donc du plus haut au plus bas.

Ainsi la foi est une idée positive ; et la foi n’est autre chose que l’optimisme ; entendons bien l’optimisme voulu, et non l’optimisme de hasard. Les hommes simples, et qui vivent selon l’imagination, nous donnent ici une leçon qu’il faut comprendre. Sous mille formes, et sous le nom de religion, nous voyons que le courage se donne un objet et des preuves. Mais, que ce soit vie future, avenir de l’espèce, règne de la raison et de la justice, l’objet n’est jamais qu’imaginaire, et c’est le courage qui porte tout. Ou bien, pour employer d’autres mots, disons que la volonté est telle, par sa notion même, que c’est elle-même qui se prouve. Il faut croire en soi ; sans ce premier départ, tout gratuit, il n’y aurait point d’entreprise au monde ; cela, tous les praticiens le savent. Mais, en regardant de plus près, on découvre que, sans le parti d’oser au delà des preuves et même contre les preuves, il n’y aurait ni pensée, ni opinion, ni même rêverie ; en sorte que c’est le tissu même de la psychologie qui se défait tout, si l’on ne prend point comme réalité première et positive un pouvoir qui ne dépend que de son propre décret. Quand on accumule, comme on aime à le faire, les difficultés que soulève ce postulat, on a le tort d’oublier d’autres difficultés non moins inextricables, qui se présentent et nous pressent si nous essayons de nier le pouvoir sans mesure. Et, en posant que théoriquement tout est égal, il reste l’urgence de vouloir qui se propose à tout homme dès qu’il veut aider les autres ou s’aider lui-même. Tous les biens, toutes les règles, toutes les formules, tout cela est comme mort devant l’homme qui ne croit plus en lui-même. Ainsi le premier conseil, et sans doute le seul, est d’éveiller en un homme abattu et dominé ce départ du vouloir. Telle est la source du bien.