Page:Alain - Éléments de philosophie, 1941.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous représentez la salure, aussitôt vous en appelez à la quantité ; vous comparez un poids de sel à un autre, vous changez en déplaçant le sel ; c’est toujours mouvement. D’où l’on pourrait dire que le mouvement est la quantité du changement. Cette substitution se fait dans la science même. On suppose toujours que la chaleur se mesure par un mouvement et même consiste dans un mouvement. Telles sont les idées où un esprit hardi se laissera entraîner sur ce propos du mouvement perçu et des poteaux qui courent le long de la voie. On conçoit que Zénon ait secoué la tête devant cet être qui est fait seulement de mes pensées. Revenant à des exemples, il a découvert les difficultés qu’il avait prévues.

Tout ce qui a été dit ici de la perception du mouvement s’applique au toucher, et notamment à la connaissance que nous avons de nos propres mouvements, par des contacts ou des tensions, avec ou sans l’aide de la vue. On jugera sans peine que l’idée de sensations originales, donnant le mouvement comme d’autres donnent la couleur et le son, est une idée creuse. C’est toujours par le mouvement pensé que j’arrive au mouvement senti ; et c’est dans l’ensemble d’un mouvement qu’une partie de mouvement est partie de mouvement. Peut-être arriverez-vous promptement à décider que les discussions connues sur le sens musculaire sont étrangères à la connaissance philosophique. Ce n’est en effet qu’une vaine dialectique dont la théorie sera comprise plus tard, après que le langage aura été décrit et examiné, comme un étrange objet dont on peut faire à peu près ce qu’on veut.